jeudi 19 février 2015
Le 15 janvier 2015 restera une date mémorable dans la vie de cet artiste musicien. Ce jour-là marque sa sortie de prison et son départ de la France où il était incarcéré, pour le Cameroun, son pays natal. Depuis, il n’hésite pas partager cette douloureuse expérience d’ex-prisonnier, ses projets et surtout profiter de la vie.
Grande ou petite gueule désormais, on remarque bien que malgré ses efforts, le naturel revient au galop. Mercredi 21 janvier 2015. Simon Agno Longkana alias Longuè Longuè a convié la presse au Castle Hall de Douala pour un échange. C’est sa première grande sortie médiatique depuis son retour au Cameroun, après 3 ans de prison ferme. Il est ponctuel. A 16 heures précises, heure du début de l’échange, il débarque à bord de sa voiture. Une poignée de journalistes l’attend à l’intérieur. Pendant que le maître de cérémonie annonce son entrée, Longuè Longuè prend bien soin de réajuster son chapeau à large bord ainsi que sa ceinture qui serre bien son jean bleuté, cigare au bec. On dirait un shérif. D’un pas hâtif, il entre dans la salle, accompagné de son avocat, Me Philippe Wakam. Il déclare : « Cette libération est salutaire pour Longuè Longuè qui doit poursuivre son action en faveur des démunis. Il n’y a pas de blessures contre la liberté parce qu’elle ne se saucissonne pas ». Pendant le discours de son conseil, l’artiste hoche la tête de temps en temps pour approuver ses propos. Il n’est pas calme. Il transpire. Il regarde l’impresario comme pour lui demander la parole. Ce dernier est malheureusement concentré à dérouler son programme. C’est d’abord un artiste, Nvondo la Star, représentant des handicapés de l’Est qui offre à l’assistance une prestation musicale. Ouf ! Longuè Longuè peut enfin se détendre. Il applaudit, esquisse un sourire et même quelques pas de danse. Le moment tant attendu est enfin là. Les journalistes se déchainent. Comme un soldat, Longuè Longuè trouve des réponses à toutes les questions. Quid à se contredire parfois. Morceaux choisis : « Je suis innocent, je continue de clamer mon innocence mais j’ai payé ma dette envers Dieu, la Justice et la société. Je ne dois plus rien à personne ». Interrogé sur la fameuse déclaration « quand on veut vendre les journaux, on parle de Longuè Longuè », il dira que « je ne cherche plus les problèmes, je suis en paix avec les journalistes désormais. On m’a demandé d’être humble et respectueux. C’est ce que je fais maintenant ». Il garde de très mauvais souvenirs de son séjour en prison. Il le dit lui-même : « c’était des pleurs tous les jours parce que je me sentais seul. Je voulais toujours être en contact avec mes proches ». Le temps imparti pour cette assise est achevé. Des curieux continuent d’arriver pourtant. Il faut partager un verre pour arroser cette libération du « Libérateur ».Dans le chaos, Longuè Longuè se retrouve dans les casseroles derrière le bar. Il sert à manger et à boire à ceux qui lui disent n’avoir rien mangé. Les hôtesses des Brasseries du Cameroun n’en reviennent pas. Après insistance, il consent à sortir des marmites pour s’entretenir avec Le Messager.
Comme Mandela
Plus près, il ne fait aucun doute. Le physique de Longuè a pris un grand coup. Ce qui confirme bien ses propos suscités : « La prison n’a pas été facile pour moi ». Il a hâte que le reporter lui pose des questions. Et pour cause : « le maire de Yabassi, Jean Maboula est venu ici en personne. Donc après, c’est le champagne qui va couler à flots ». Sur l’essentiel, la prison a été une école de la vie pour l’artiste. Ce, grâce à ses « cours de remise à niveau ». Il se vante d’être devenu « plus intelligent, humble et travailleur ». A titre d’illustration, il clame ses citations personnelles : « C’est la pensée de l’Homme qui détermine son action. Ma liberté de penser ne changera jamais. Au bout de la patience, il y a le ciel ». Il n’oublie pas de préciser, « vous voyez bien que je suis devenu plus intelligent parce que je suis né intelligent ». Humble peut-être mais cela prendra certainement du temps. Car, ses anciennes habitudes continuent de lui coller à la peau. Tenez par exemple, le jour de sa sortie de prison le 15 janvier dernier, il se filme dans l’avion avec des billets d’euro collés sur lui et poste la photo sur les réseaux sociaux. Si pour la conscience collective, c’est un acte irrationnel, pour le père de « Ayo Africa », cela représente plutôt la joie de vivre. « Je n’ai pas volé. Je n’ai pas détourné les fonds publics, donc l’Epervier ne peut pas me poursuivre. Je suis sorti de prison ruiné. Ce ne sont que les miettes que je vous présentais ». L’argent qu’il gagnait en spectacles lors de ses corvées, il dit qu’il l’utilisait pour des appels téléphoniques : « Je passais mon temps à appeler, matin midi et soir. Je voulais avoir des nouvelles de tout le monde. Si j’avais votre numéro de téléphone, je vous aurais appelée aussi ». Le Cameroun lui a tellement manqué pendant ces moments de galère. A peine arrivé au pays, « le lendemain (16 janvier Ndlr), je suis allé manger du poisson à la braise à Deïdo, je suis allé en boîte de nuit, j’ai dansé et fait couler le champagne. En prison, il n’y avait que les crèmes fraîches ». L’auteur de « Kirikou » dit ne plus avoir de contact avec Chantal Mbassi, (Française d’origine camerounaise), son ex-compagne qui lui avait porté plainte pour viol sur sa nièce mineure de 17 ans, mais il leur a pardonné. Elle et ses autres bourreaux. Comme Nelson Mandela. Il le dit mieux en chanson : « Les blancs croyaient que après avoir libéré Mandela, il se vengerait de ceux qui l’ont condamné. Mandela leur a pardonné oh (bis) Pardonner à son ennemi n’est pas synonyme de faiblesse (bis) ». Et puis d’ajouter : « la prison m’a servi, je suis devenu plus beau et célèbre. Même ceux qui ne me connaissaient pas me connaissent maintenant ».
Samuel Eto’o Fils
Pendant que l’ancien prisonnier profite de sa liberté, il prépare en sus, la sortie de son maxi-single pour le mois de février 2015. Des chansons qu’il comporte ont toutes été écrites en prison où : « je me suis forgé un moral d’acier ». Une force qu’il n’aurait pas eu sans le soutien de ses proches et des bienfaiteurs comme le footballeur camerounais Samuel Eto’o Fils. C’est le premier nom qui est sorti de sa bouche dès qu’il a posé les pieds sur le tarmac de l’aéroport international de Douala. C’est Samuel Eto’o Fils, confie-t-il, qui « a payé ma caution en 2011 pour que je sorte. Il est resté à mes côtés pour me soutenir financièrement, moralement et physiquement. C’est pourquoi je le cite dans mes chansons ». Parmi ses bienfaiteurs, il cite le gouvernement camerounais notamment le secrétaire général à la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, le colonel Jesus Edu Moto, le chef d’état-major du président Théodoro Obiang Nguema de la Guinée équatoriale, M. Gouchengue, le patron de Congelcam, « Père Teresa » etc. jusqu’au 15 janvier 2018, Longuè Longuè est interdit de séjour en France. Ainsi en ont décidé les juges. Une décision qui selon lui, a été douce parce que « j’ai deux enfants en France. Il faut quand même que je les vois ». Plus lucide, il reconnait que, son enfance a été difficile. Malgré la volonté de ses parents, ils n’ont pas pu, « me payer l’école même à Ebc de Mboppi mais je n’ai pas baissé les bras. Je me suis formé sur le tas ». C’est ces douleurs qu’il chante dans ses chansons. Une souffrance devenue sa muse. C’est en 2005 que le vainqueur du concours de la chanson Mutzik de l’an 2000, est accusé de viol sur mineur de 17 ans par son ex-épouse, pendant qu’il séjournait en France. Commence alors une longue bataille judiciaire devant les tribunaux français. Il comparait libre jusqu’à ce que son sort soit scellé en 2011. L’artiste camerounais est condamné à 10 ans de prison ferme et des milliers d’euro d’amende. De grâce en grâce, il ne passe finalement que 66 mois en prison et paie son amende. Il est aujourd’hui libre et se nomme désormais, le grand vocaliste. Le public camerounais et africain peut enfin profiter de ses textes croustillants. Espérant que la prison lui a vraiment servi...
Par Adeline TCHOUAKAK(Le Messager)