vendredi 19 juin 2009
Le directeur de la publication du satirique « Popoli », relève l’importance de l’art du graffiti en milieu urbain.
Quelle est l’importance du graffiti dans une cité urbaine comme Douala ?
Je trouve que le graffiti est une forme d’expression de plus en plus moderne et que l’on retrouve aussi bien dans les grandes villes comme Barcelone, que dans des petites cités comme Sao Tomé, et qui concourt à l’embellissement des villes.
C’est dans ce qu’on appelle les quartiers à problèmes que fleurit cette forme d’expression artistique, qui va plutôt récupérer des espaces à l’abandon pour rappeler qu’il existe une vie dans ces endroits précis. Donc, non seulement ça participe de la récupération des espaces urbains abandonnés, mais ça permet de passer des messages qui sont, pour l’essentiel, des messages de revendications d’une certaine classe de la population, dont les jeunes. Je trouve que c’est très bien. Ça rappelle que dans une multitude de créatures humaines, il existe des gens qui ont d’autres manières de s’exprimer.
Cette forme d’expression est-elle bien comprise par tous au Cameroun et singulièrement ici à Douala ?
Il faudrait d’abord bien l’expérimenter. C’est vrai que de temps à autre, on en aperçoit ici et là. Mais, je pense que de par la multiplication de ces sites, commencera le questionnement. Parce que les œuvres d’art ont ceci de particulier que leur présence dans un premier temps laisse indifférent mais au fur et à mesure que le temps passe, ces œuvres donnent cours à une sorte de questionnement dans l’esprit et diffusent des messages tellement divers qu’il appartient à chacun de les décrypter.
Qu’est ce qui justifie donc que la présence des graffitis soit encore timide à Douala comme à Yaoundé ?
Je crois que dans l’histoire, l’Africain s’exprimait à travers des messages graphiques. Si l’on considère par exemple les grottes égyptiennes, les hiéroglyphes portés dessus étaient une forme de communication. Le modernisme ayant gagné le monde artistique, a fait en sorte que les artistes se sont, à un moment donné, éloignés de cette forme d’expression grandeur nature et publique pour épouser les musées et autres salles d’expositions. Je crois qu’il y a eu comme un retour à l’ancienne époque, du fait de l’abandon des artistes qui ne pouvaient plus avoir accès à ces lieux huppés. Alors, ils ont fait un décrochage vers l’arrière et moi, je pense que quand on arrive quelque part où il y a des graffitis sur les murs d’une école, les pavés d’une voie publique, on a là quelque chose de plus vivant que si il n’y en avait pas. L’Africain s’est exprimé ainsi bien avant que ça ne remonte pour la communauté noire américaine, la communauté européenne, et ne revienne en Afrique. Parfois, on a le sentiment que l’art voyage et ce voyage, je pense, est effectif pour les graffitis.
Propos recueillis par Christian Nounkeu