samedi 17 janvier 2009
Ils appellent à une intervention rapide de l’Etat pour la réouverture de leur vitrine.
Le coup de massue a été assené ! Dimanche dernier, les cinéphiles de la ville de Yaoundé habitués aux projections cinématographiques de ce jour se sont retrouvés face à des grilles cadenassées.
Leur consternation et la désolation du personnel de cette salle de cinéma ne pourront malheureusement pas rouvrir les portes de l’Abbia. Chez les cinéastes camerounais, cette fermeture du cinéma théâtre Abbia vient rappeler de mauvais souvenirs. Notamment la fermeture du cinéma " Le capitole " il y a quelques années. Bassek ba Kobhio, le président de l’association Terre africaine est de ceux-là : "J’espère que nous n’allons pas avoir le même coup qu’avec le cinéma Le capitole, dit-il. C’est une catastrophe qui s’annonce. Imaginer que la ville de Yaoundé qui ne cesse de s’agrandir n’ait pas une salle de cinéma m’inquiète.
Ceux qui disent que les salles de cinéma ne sont pas rentables racontent n’importe quoi. Il y a 15 ans en France, tout le monde annonçait la fin du cinéma mais il n’y a jamais eu autant de salles qui ouvrent depuis ce temps là. " Il se souvient que ses collègues et lui avaient réussi, pendant trois ans, à bloquer la fermeture de cette salle de cinéma au profit d’une société espagnole spécialisée dans les salles de jeux !
A cette époque, alors que Bassek et les siens tentaient une action de sensibilisation de l’opinion publique sur l’imminence de la fermeture de cette salle, Nicole Kadji, fille du propriétaire de la salle "Le Capitole", affirmait que le groupe ne pouvait pas se substituer aux pouvoirs publics. Elle suggérait alors fortement à l’Etat camerounais de subventionner les salles vu que eux n’étaient pas des philanthropes mais des hommes d’affaires contraints à faire des bénéfices. Le crédo a été repris pendant longtemps par le directeur de la salle, Siméon Fotso sans que personne ne daigne l’entendre. Vendredi dernier, dans une interview qu’il nous a accordée, il lançait encore : "Si l’Etat ne veut pas soutenir les privés, qu’il ouvre une nouvelle salle de cinéma, au moins il y aura quelque chose ".
De fait, plusieurs années plus tard, le même problème s’est posé avec la salle qu’il dirigeait. La baisse des tarifs opérée il y a deux ans n’a pas donné les fruits escomptés. Les cinéphiles ont continué de se faire rares. La preuve, les factures de loyer se sont amoncelées. Ainsi, le 2 septembre dernier déjà nous annoncions dans nos colonnes l’imminence d’une fermeture après que l’homme d’affaires Victor Fotso a saisi le juge du tribunal de première instance de Yaoundé Centre-Administratif le 25 août 2008 pour requérir l’autorisation d’expulser la société Ciné News " et tous occupants de son chef de l’immeuble " par devant le juge des référés d’heure à heure.
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Il réclamait à son locataire, Ciné News Distribution, des arriérés de l’ordre de 27.000.000 Fcfa. Ce qui représente le loyer des deuxième et troisième trimestres 2008. M. Tchuemi, responsable de Cinenews distribution quant à lui estime que la seule chose à faire pour le moment est de retrouver les personnes qui ont procédé à la fermeture nocturne de la boîte : "ça ne peut pas être notre bailleur qui a fermé. Il aurait procédé de façon plus claire."
Face à ce lourd passif, certains pensent toutefois qu’au lieu de se demander pourquoi la salle a fermé, il serait plutôt intéressant de savoir comment elle a tenu jusque-là. Face à cette situation, Daouda Mouchangou, président du conseil d’administration de la Scaap, la société collective chargée de gérer les droits d’auteurs chez les cinéastes regrette la division actuelle parmi les cinéastes camerounais. "Nous ne pouvons que regretter ce qui se passe car nous ne pouvons rien. C’est davantage un problème de droit et d’économie et c’est, en principe, l’Etat qui devrait s’impliquer dans sa gestion pour éviter la fermeture de cette unique salle de la ville de Yaoundé. A la limite, nous verrons la ministre de la culture pour lui demander d’intervenir mais nous ne pouvons vraiment rien faire".
L’Etat, justement ! Pour certains, il a sa responsabilité dans les problèmes que rencontre le cinéma camerounais et la fermeture progressive des sept salles que comptait la ville de Yaoundé. " En laissant mourir le Fodic, l’Etat a bien montré qu’il n’accordait pas d’importance au cinéma " lance l’un d’eux. Cyrille Masso quant à lui se dit déçu que "les pouvoirs publics laissent faire. C’est la seule salle en dehors du centre culturel français où nous avions la possibilité de montrer nos films. Maintenant nous les ferrons pour qui ? En laissant fermer l’Abbia, c’est une façon de nous pousser vers l’expatriation car nous avons besoin du public qui regarde nos films et des salles dans lesquelles nous les présenterons. C’est dommage !"
Et Bassek ba Kobhio de s’interroger : "Comment est-ce que la communauté urbaine de Yaoundé va accepter qu’aucune salle de cinéma n’existe dans sa ville ? Il y a des choses qui font une ville.
Une ville ce n’est pas que des routes bitumées, des espaces verts. C’est aussi des espaces de spectacles et des espaces de vie. Quand la mairie va casser au Carrefour Bastos à Yaoundé parce que dit-on la nuit ça devient un lieu au sévit le banditisme, je dis construisez pour ces jeunes des espaces culturels dans lesquels ils se retrouvent. C’est des salles de cinéma, des lieux de spectacles. C’est choses qui font qu’il y ait une activité culturelle saine qui les draine." Seulement, tout en décriant la non-implication des pouvoirs publics dans cette activité, l’on estime également que la fermeture progressive des salles (de 77 salles en 70-80 réparties dans toutes les provinces du pays, le Cameroun ne compte plus aujourd’hui que deux salles de cinéma. une à Douala (Le Wouri) ; et une à Bafoussam (L’Empire) tient au fait que les promoteurs de salles n’ont pas amélioré la politique d’accueil de leurs salles.
Dorine Ekwè