mercredi 23 février 2011
Depuis le début de l’année, des journalistes sont dans le collimateur des autorités judiciaires et du maintien de l’ordre. Pour des raisons non élucidées. A la rédaction du quotidien Le Messager, c’est le coordonnateur de la rédaction et chef d’édition Honoré Foimoukom qui a été le premier convoqué au commissariat de sécurité publique du 1er arrondissement de Douala à Bonanjo, le 25 janvier 2011. Le 18 février, Blaise-Pascal Dassié, journaliste dans le même organe a été convoqué, à son tour. L’inspecteur de police, porteur de la convocation tout jovial, s’est présenté au secrétaire général des rédactions. Comme pour donner des assurances à son interlocuteur qu’il ne s’agit pas d’un harcèlement contre les seuls journalistes du quotidien Le Messager, il révèle qu’il venait de déposer une similaire “ invitation ” à Stève Libam de Cameroon Tribune.
A nos deux collègues qui sont déjà passés par cette officine, les questions sont les mêmes. L’interlocuteur est le même : le premier adjoint au commissaire à ses hôtes. Après l’identification du journaliste, on lui demande ce qu’il fait au Messager. A sa réponse : “ journaliste ”, le commissaire appuie : “ êtes-vous sûr que vous ne faites que du journalisme au Messager ? ” Et plus loin, le commissaire cherche à connaître les personnes que rencontre et fréquente son “ interviewé ”. Question toute faite de sous-entendus. Journaliste ou non, peut-on cerner le cercle de ses relations de travail et autres ? Et l’interrogatoire continue après d’interminables minutes de pause au cours desquelles l’enquêteur s’éclipse d’abord pour quelle destination ?… Ancienneté dans l’entreprise, lieu d’habitation, situation familiale, contacts téléphoniques, etc.
Le journaliste passe ainsi 30 à 45 minutes d’interrogatoire qui s’achève par une menace à peine voilée en ces termes : “ sachez que vous devez rester à disposition du commissariat de police. On vous rappelle en cas de besoin ”. En dehors de cette injonction, ceux qui ont été convoqués jusqu’à présent n’ont pas encore subi de violence physique. Mais cette torture psychologique est plus éprouvante, dans la mesure où la convocation stipule bien que l’on “ est convoqué pour affaire vous concernant ” sur “ instructions du Parquet ”. Mais aucun de nos deux collègues conviés jusqu’à présent n’a eu connaissance de l’objet de son interpellation. Encore que, Honoré Foimoukom, le coordonnateur de la rédaction et chef d’édition du quotidien Le Messager y est déjà passé trois fois. Sans savoir pourquoi.
A y regarder de près, le régime élabore là des stratégies d’intimidation contre les hommes et femmes de médias. Nous sommes là dans la mouvance du souvenir des tristes et dramatiques événements des 25, 26 et 27 février 2008 et aussi l’élection présidentielle se pointe à l’horizon. La police qui avoue travailler sur les instructions du procureur de la République lance ainsi des coups de semonce pour mettre les journalistes en garde. C’est des méthodes bien connues qui jurent avec les civilités d’un Etat de droit comme le proclament les autorités camerounaises.
Il faut aussi relever que ces pratiques propres à celles des lois d’exception de 1962 ou d’un état d’urgence, interviennent à quelques jours du passage au Cameroun d’une délégation de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, invitée par le gouvernement et qui n’a même pas eu la latitude de vivre les réalités des droits de l’homme sous le régime du Renouveau. Si oui, dans quel pays civilisé convoque-t-on des citoyens sans leur dire sur le champ les raisons de leur interpellation. C’est dire que l’heure est grave pour les journalistes.
Par Dobell(Le Messager)