dimanche 22 janvier 2012
Un mois environ après sa nomination, le nouveau Minfi s’engage sur des « sentiers glissants ».
Dans sa livraison de lundi dernier, l’hebdomadaire L’oeil du Sahel, parlant des (nouveaux) ministres du grand Nord, qui n’ont toujours pas organisé de fêtes au « village », relaie ces propos de Mahamat Ali, couturier à Kousseri, des propos destinés au (nouveau) ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey : « Nous attendons notre fils, mais nous savons qu’il est très occupé et que aussitôt qu’il aura dégagé du temps, il viendra ». Même si dans le même article, il est indiqué « le 14 janvier dernier, en marge d’une visite en N’Djamena, il [Alamine Ousmane Mey] a fait un rapide saut à Kousseri », il reste constant que le couturier cité plus haut semble avoir vu juste.
En effet, le nouveau ministre des Finances (Minfi), dont la nomination au sein du « gouvernement des grandes réalisations » le 9 décembre dernier a déjà suscité un flot de motions de soutien en direction du chef de l’Etat, se rappelant à coup sûr du football, qui est l’un de ses hobbies (en plus de la lecture et de la musique) n’a pas véritablement sacrifié son temps à l’observation dans l’exercice de ses nouvelles fonctions. Le fils du « puissant » gouverneur du Nord (qui a été éclaté en trois régions en 1983), Ousmane Mey, s’est directement rué à l’offensive.
Dans ce sens, il a signé le 10 janvier dernier, une lettre circulaire relative à l’exécution, au suivi et au contrôle du budget de l’Etat, des établissements publics administratifs, des communautés territoriales décentralisées et des autres organismes subventionnés, dans laquelle il « dépoussière » un certain nombre d’initiatives prises par son prédécesseur, Essimi Menye, en 2011. Il en est ainsi de article 288 de cette circulaire qui dispose que « le paiement des perdiems est proscrit dans le cadre des séminaires et colloques ». Dans cette circulaire, Alamine Ousmane Mey, qui occupe toujours officiellement le poste de directeur général de Afriland First Bank, précise toutefois, l’octroi des perdiems « n’est autorisé que dans le cadre des comités conformément à la lettre circulaire N°006/Cab/Pm du 27 mai 2010 du Premier ministre, chef du gouvernement relative à la détermination des montants des indemnités des membres des comités et secrétariats techniques ».
Un « bémol » qui n’aura certainement pas le don d’apaiser le courroux des fonctionnaires et agents de l’Etat qui ont pris l’habitude d’intégrer, exercice après exercice budgétaire, la ligne des perdiems dans leurs budgets de fonctionnement personnel au détriment de la qualité de la dépense publique. Dès lors, il va de soi que le nouvel argentier national, qui aura 46 ans le 26 février prochain, est venu troubler le breuvage de ces « fonctionnaires » de la fortune publique. Qui, l’on s’en doute, ne se laisseront pas conter. D’ailleurs, des « témoins avisés » de ces pratiques pressentent déjà que le volume de comités (toujours pourvoyeurs de perdiems) va augmenter sur les cendres des séminaires et colloques voués à unen lente agonie. Il reviendra ainsi à l’ingénieur polytechnicien Ousmane Mey, qui a fait une grande partie de sa carrière à Afriland First Bank (dont l’ancêtre est la Ccei Bank) avant d’en sortir… ministre des Finances, de détricoter ces tours de passe-passe, de « dilapider » ces trésors d’ingéniosité qui n’ont certainement rien à voir avec ceux dont il jouissait au moment où il exerçait au sein de la 3e banque du Cameroun.
Clochettes
Un autre chantier ouvert par le natif du Logone et Chari (il est de l’ethnie kotoko), dans la circulaire sus évoquée, est relatif aux missions des personnels de l’Etat. « Il convient, plus que par le passé, de réduire les délégations ou les équipes aux effectifs réellement utiles au bon déroulement de la mission », prescrit le Minfi. « Pour faire face à la très forte expansion des dépenses liées aux déplacements temporaires, il est rappelé que ceux-ci ne doivent avoir lieu qu’en cas d’utilité avérée, au regard de l’objet du déplacement et des objectifs prioritaires de l’administration concernée », poursuit-il. « Du déjà entendu ! », roucoulent certains fonctionnaires qui ne parient pas un kopeck sur les chances de succès de ces mesures. On se demande dès lors comment l’ancien élève du Ces, puis du lycée de Garoua (il y a obtenu le Cepe, le Bepc, le Probatoire et le Bac en Mathématiques et Physique) réussira à stopper la « saignée » dans un système où l’on promet blanc et où l’on fait (généralement) noir.
D’ailleurs, avant lui, des « fiertés » du secteur privé, à l’instar de feu Justin Ndioro, ont dû renoncer, la mort dans l’âme, aux impératifs d’efficacité et de célérité, si chers à leur secteur d’origine, avant de se laisser engloutir par les miasmes d’une mécanique bureaucratique bien huilée et plus tard, de se faire sortir sans façon du gouvernement. Le manager d’hier sera alors tenu d’« assumer » sa part de responsabilité à l’heure des comptes. Ce que le politologue Alain Fogué Tedom appelle fort opportunément « le système des clochettes ».
A mesure qu’il avancera dans le traitement des dossiers délicats (payement de la dette intérieure, gestion de la masse salariale de l’Etat, mise en place de la banque des Pme, etc.), Alamine Ousmane Mey, qui occupe aussi le poste de directeur au Cameroun de la Gatsby Foundation (une Ong de charité basée en Angleterre), recevra des « coups », et en donnera peut-être. Fatalement, il enfilera des clochettes, qui, à un moment donné, le conduiront à aller « danser » sur la scène politique du Logone et Chari (où il n’a jamais été aperçu) en faveur de M. Biya. L’ancien Dg du Cenainvest (dont Afriland est actionnaire) pourrait alors invoquer un cas qui ferait jurisprudence. Celui de son prédécesseur au Minfi, Essimi Menye, technocrate froid, qui a fini par se vêtir aux couleurs du Rdpc pour chanter les louanges de Paul Biya. Ça peut toujours dépanner !
Mais Ousmane Mey fils devra surtout avoir à l’esprit ces paroles de son père à l’intention de ses « frères » qui ont accouru dans son domicile de Kousseri le 9 décembre après le décret qui a changé sa vie, pour bien remplir ses fonctions. « Alamine est désormais un fils du Cameroun. Nous devons l’aider à remplir sa mission ». Une parole qui pourrait être adressée avec le même aplomb à l’ensemble des Camerounais (notamment les fonctionnaires et prestataires de services), y compris le premier d’entre eux.
Par Georges Alain Boyomo(Mutations)