jeudi 14 septembre 2017
Avocat au Barreau du Cameroun, expert en droit de la propriété Intellectuelle.
Un collectif d’artistes conteste les résolutions de l’Assemblée générale de la catégorie B de l’art musical tenue samedi malgré le consensus prôné par le gouvernement. D’après les textes, quel rôle l’Etat doit-il jouer dans ce processus ?
Depuis 2008, voire depuis 2013, ils sont nombreux ceux qui n’ont jamais perçu de retombées financières de leurs œuvres en raison de querelles sans fin, soit entre eux-mêmes mais surtout dans leur confrontation avec le ministère des Arts et de la Culture. Je ne suis pas surpris de constater qu’en raison des antagonismes observés jusqu’ici, tous les artistes ne soient pas heureux du dénouement. L’implication de l’Etat, d’ailleurs à la source de ce conflit depuis 2008, tire sa source du décret N° 2000/956/PM du 1er novembre 2001 fixant les modalités d’application de la loi N° 2000/11 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins, notamment en raison du pouvoir unique, reconnu au seul ministère des Arts et de la Culture de délivrer l’agrément nécessaire pour toute société de gestion collective. Il y a lieu de préciser, qu’en son article 22 alinéa 3, 4 et 7, l’implication du ministère des Arts et de la Culture est fortement soulignée dans ledit décret, du moins avant la modification intervenue le 25 septembre 2015 avec l’obligation de visa du Premier ministre dans les actes concernant l’attribution, la suspension ou le retrait de l’agrément. A la lumière des textes, l’Etat est dans son rôle.
La Cameroon Music Corporation (CMC) affirme que son agrément est toujours valide et qu’aucune autre société n’est légale. Que dit la loi au sujet de l’agrément ?
L’agrément, dont la CMC et la SOCAM se prévalent, d’après le décret appliqué à l’époque de sa création, était accordé pour une durée de cinq ans, renouvelable dans les mêmes conditions que son octroi. Comment donc expliquer que ces sociétés soient encore viables, à ce jour, si leur agrément, même avec la suspension de la décision du ministre des Arts et de la Culture, est arrivé à terme, sans renouvellement de celui qui l’a accordé ? Si l’on considère que la CMC ou la SOCAM n’ont pas été dissoutes, peut-on prétendre qu’elles exercent encore l’activité de gestion collective sans l’agrément qui est nécessaire pour cette activité ? La justice peut avoir suspendu la décision du ministre en 2008, mais la justice n’a pas renouvelé l’agrément qui demeure une prérogative de la puissance publique. Une nouvelle société devait être créée pour que les droits des artistes soient préservés en raison du conflit permanent. Il restera pour les sociétés CMC et SOCAM, même si elles ne sont pas dissoutes de poursuivre l’Etat en justice pour le préjudice éventuellement souffert, sachant qu’il sera désormais impossible d’obtenir de la justice une injonction ordonnant au ministère des Arts et de la culture de leur délivrer ou de leur renouveler un agrément arrivé à terme pour exercer. Ledit agrément ou renouvellement de l’agrément étant une prérogative régalienne de la puissance publique.
Est-il possible d’envisager des pistes juridiques pour enfin entrevoir une sortie de crise ?
Je tiens à préciser que contrairement à ce qui se dit ici et là au sujet du recours déposé vendredi dernier (Ndlr : le 8 septembre) au tribunal administratif, qu’il n’est pas suspensif car seule une ordonnance du président du tribunal peut ordonner un sursis à exécution et non une simple requête même notifiée à la partie adverse. Donc en l’état, la nouvelle société créée à l’issue de l’assemblée générale de samedi dernier n’a nullement été créée en violation d’une décision de justice. Cependant, et il importe de le relever, la réforme intervenue en 2015 a atténué le pouvoir du ministre des Arts et de la Culture, en ce que l’agrément à la nouvelle société de gestion créée samedi dernier ne peut être accordé qu’après visa du Premier ministre.
Propos recueillis par Monika NKODO(CT)