mardi 22 février 2011
Il y a exactement trois ans, la rue était à feu et à sang à Douala, Yaoundé, Bafoussam, Bafang, Nkongsamba, Mbanga, Kékem… Cette révolte populaire, sans meneur, a été baptisée “ émeutes de la faim ”. Elle a fait tache d’huile dans d’autres pays africains, voire hors du continent.
Les mois de janvier et février 2011 sont marqués par des émeutes similaires inspirées par la précarité. Elles ont déjà fait deux victimes parmi les gérontocrates – autocrates au pouvoir en Afrique : le Tunisien Ben Ali et l’Egyptien Hosni Moubarak. La question qui brûle les lèvres, c’est à qui le tour ?
C’est dans ce contexte que Jean Célestin Edjanguè, journaliste à la chaîne de Tv Africa 24, correspondant permanent du quotidien Le Messager en Europe, fait paraître deux ouvrages sur ces malheureux événements qui ont mis à nu le système répressif camerounais qui a dû faire parler la canonnière devant des jeunes gens aux mains nues ou, à la rigueur armés de cailloux, de morceaux de bois et autres projectiles. Bilan : une quarantaine de morts, selon le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation : Marafa Hamidou Yaya, plus de 150 victimes, à en croire les Ong de défense des droits de l’homme. Sans compter que ce sont ces troubles qui ont conduit en prison l’artiste musicien Lapiro de Mbanga et Paul Eric Kinguè, ancien maire de Njombé-Penja présentés comme les meneurs.
Devoir de mémoire oblige : avec “ Cameroun : un volcan en sommeil ” Jean-Célestin Edjanguè fait une relation et une analyse pertinentes de ces trois journées folles : 25, 26 et 27 février 2008 afin d’appeler à la prise de conscience de tous et de chacun pour que de telles convulsions sociales ne se produisent plus.
Dans la première partie de ce livre qui compte environ 112 pages, l’auteur revisite les raisons de cette grogne populaire dans son pays. Il en analyse le contexte en prenant en compte ce qu’il appelle “ le double déclencheur de la révision constitutionnelle, la hausse du prix du carburant ” qui affecte le prix de tous les autres produits locaux et importés.
Complicité de la Communauté Internationale
Dans la deuxième partie, Jean-Célestin Edjanguè promène le lecteur sur les sites en ébullition pour chuter dans la troisième partie sur les lendemains de ces émeutes en prenant le pool de la société camerounaise, un peu plus de deux ans après.
Au moment où l’auteur va dédicacer ses deux ouvrages à Douala et à Yaoundé – sans doute le 24 février – pour cette dernière métropole, l’Afrique est de nouveau enfiévrée. Au Cameroun, le coût élevé de la vie alimente une grogne qui peut, à tout moment déborder le cadre des foyers pour investir la rue. 2011 est une année électorale et Elecam, le nouvel organe mis sur pied par le gouvernement pour superviser les élections n’inspire pas confiance. Tout comme les mesures sociales annoncées par le chef de l’Etat qui vient de fêter ses …78 ans d’âge et qui caracole vers ses 29 ans à la magistrature suprême provoque un effet de “ y en a marre ”.
“ Cameroun : un volcan en sommeil ” est le résultat d’un travail de terrain auquel Jean-Célestin Edjanguè a pris activement part comme reporter et enrichi par des témoignages de divers protagonistes et d’autres éléments puisés dans les rapports des institutions à l’instar des organismes du système de l’Organisation des Nations-unies (Onu) dont l’Oms, la Fao. Il stigmatise ce qu’il appelle avec beaucoup de réserve, voire d’élégance “ l’attentisme incompréhensible de la communauté internationale ” qui avait et qui a toujours du “ grain à moudre ” au Cameroun.
“ Quoi qu’il en soit, écrit-il, la communauté internationale, par sa passivité incompréhensible, s’est rendue aux yeux des familles des victimes camerounaises et des associations de défense des droits de l’homme, complice des faits qui se sont déroulés au Cameroun en fin février 2008… ” Comme pour sonner le tocsin, l’auteur prévient : “ Deux ans après les événements dramatiques de février 2008 (Ndlr : à la parution du livre en octobre 2010) le Cameroun reste un pays sous tension, un pays où l’on sent qu’il suffirait d’une étincelle pour que le triangle national s’embrasse de nouveau. Les populations les plus démunies, notamment, ont les nerfs à fleur de peau… ”
Le style vivant de l’auteur captive le lecteur de la première à la dernière page.
La préface et la post-face sont respectivement de Jean-Vincent Tchienehom et de Gaston Kelman. A la prochaine édition, pour la présentation de : “ Les colères de la faim… Pour l’Afrique s’est embrasée en 2008 ”, le second ouvrage de J.C.E.
Par Jacques Doo Bell(Le Messager)
Cameroun : un volcan en sommeil de Jean-Célestin Edjanguè – Editions L’Harmattan – 112 pages – 12,50 euros