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Joe Mboulé est mort !

mercredi 14 octobre 2015


Je m’apprêtais à écrire une de ces chroniques sur l’oubli pour rappeler que le 7 octobre 1991 mourrait le journaliste-chroniqueur, Ernst Iwiyé Kala-Lobè ; que le 6 octobre 1997 succombait à un cancer, Eboa Lotin, le mélodiste poète ; et qu’enfin le 8 octobre 2001, les suivait Mongo Beti dans la tombe en me promettant un de ces coup de gueule salutaire pour dire non à l’amnésie, faisant mienne cette devise d’Amadou Kourouma, "quand on refuse on dit non !", quand la nouvelle m’est tombée sur la tête. Ou plutôt mes oreilles ont tressailli au son du cri strident de douleur lancé par Beko Sade artiste confirmée qui venait de m’apprendre l’affreuse nouvelle !! Joe Mboulé est mort !

Je n’ai pas cherché à savoir pourquoi, ni de quoi. Je sais simplement qu’après le réaménagement ministériel, l’envie me taraudait de lui parler pour lui demander ce qu’allaient devenir les sociétés des droits d’auteur dans les œuvres musicales. C’était un matin du 11 octobre, où l’atmosphère était lourde d’un soleil implacable, métallique, qui inondait les rues calmes de Douala, d’une larve tellurique, tandis que le ciel s’obscurcissait de ces cumulo- nimbus annonciateurs de pluies et après le beau temps.

C’était encore en octobre. En ce dixième mois de l’année, le 11ème jour, de l’an 2015, une autre mort venait allonger la liste froide et morne, de toutes ces âmes nées hier qui avaient passé leur vie pour l’amour de la culture, la promotion des arts avec leur haut et leur bas. Bien sur la dimension des hommes diffère et leur contribution aussi. Mais quelque modeste que fut celle-ci, il est indéniable que chacun fut un pionnier dans son domaine : Iwiyé Kala-Lobè (11 novembre 1917-7 octobre 1991), le doyen, Eboa Lotin 6 août 1942-6 octobre 1997), le gouailleur, Mongo Beti, l’intellectuel iconoclaste (30 juin 1932-7octobre 2001), et maintenant Joe Mboulé (1er novembre 1952-11 octobre 2015), le crooner du makossa.

Car en effet, sans le savoir, Georges Ludovic Njoh Mboulé auteur du fameux « Malabar », dont le nom d’artiste sera Joe Mboulé, fut un précurseur dans la structuration de la revendication pour un statut digne de l’artiste. Car c’est lui qui crée dans les années 80 ; la Mutuelle des Artistes camerounais. Il va prendre le bâton de pèlerin, pour faire entendre leur voix et faire comprendre aux politiques l’importance de structurer le droit d’auteur, rémunération fondamentale d’un artiste à long terme, en lui donnant les remparts qu’il faut pour sauvegarder l’art.

C’est encore lui qui va sillonner le monde muni seulement de cette conviction que la cheville ouvrière de la vie d’un artiste, est la diffusion de ses œuvres par tous les canaux, et sa survie sa rediffusion dans les supports prévus à cet effet. Il va se spécialiser dans cette question et fera tout ce en quoi il croit, pour défendre le droit d’auteur. Membre des différents conseils d’administration des sociétés de l’art musical, de la Socinada à la Socacim, il fera preuve d’une extraordinaire persévérance, d’un sens du compromis inégalable. Mais il était ainsi Joe, l’homme du consensus ! Il est mort, ce dimanche 11 octobre 2015, alors que le ciel hésitait à nous darder des rayons brulants ou à nous verser ses ardentes pluies. Le ciel m’est encore une fois tombé sur la fête en un mois d’octobre. Sans avoir de prémonition, ni même de croyances, ces morts à répétition, en un mois d’octobre, ces morts d’hommes de culture, en ce dixième mois de l’année donnent à penser qu’il ya des occurrences que les théologiens doivent décrypter pour conjurer le sort !

Joe Mboulé est mort, à l’âge de 54 ans. Sa carrière il la commence il y a près de 40 ans et s’inscrit dans la logique des crooners. Des chanteurs à textes et à voix, qui vont bercer de leurs mélodies, les espoirs déjà ravagés d’une jeunesse en quête d’identité. Lorsqu’il aborde « Nja mo nu mende ligeye mba, nja nu mende senge ba sese, na mba pe na biye na, na ben ni moto nu tondi mba… » Traduction : « Qui va me croire assez bon pour me soutenir et me faire sentir que moi aussi j’ai des personnes qui m’aiment ? »

Son option a été de chanter d’abord l’amour des autres et l’amour tout court dans cette berceuse, il évoque et se rappelle. Puis Il lance « Malabar » et pendant 4 45 tours et une dizaine d’albums, il se confirme comme un chanteur d’un makossa soft. Il est un crooner à la Arthur Conley, qui vécut à l’ombre d’Otis Redding. Mais il chante. Il chante.

Les années vont passer et glisser sur le temps. L’enthousiasme s’émousse à l’épreuve de la réalité. Joe Mboulé continue ses combats et intervient de manière plus ou moins marginale sur la scène de la défense du droit d’auteur. Il tente des retours sur la scène et enchaîne des spectacles. A l’Institut Français du Cameroun en 2013, à Douala. Au Cabaret Place Clichy en 2015, à Douala. Fête sa médaille d’argent toujours en 2015. Tout en continuant courageusement à se battre contre la maladie.

Mais la grande faucheuse est ainsi : irrépressible. Elle ne lâche jamais proie. Elle le dorlote, lui fait croire à un sursis. La macère dans son jus morbide, la triture dans tous les sens de la douleur et les prières n’y font rien. Elle est là implacable et même ceux et celles qui croient au ciel ne bénéficient ni de sa mansuétude ni de sa compréhension. Elle frappe c’est tout ! Comme elle vient de nous arracher Joe, le crooner un peu en décalage mais si délicieusement makossa. Il aura fait de la lutte pour la sauvegarde de la condition de l’artiste, un idéal de vie. Il a vu se dégrader la situation et la condition de celui-ci. Il a vu les villes se vider des lieux de culture et les cabarets fermés un à un. Il a vu les professionnels le devenir de moins en moins. Il a vu la montée en puissance d’une musique bas de gamme où quelques accord en do-fa- sol, suffisaient à faire le succès d’une chanson. Il a vu comment Ama Tutu a si mal traité les artistes. Il a vu naître la Socacim, dont il était l’une des pièces motrices. Il a essayé des formules. Engrangé des voies. Puis la mort l’a emporté. Doucement mai surement la maladie l’a rongé. Plus que la maladie physique ce fut ce cancer immonde qui ronge le droit d’auteur et la condition de l’artiste. Joe Mboulé est mort, le dixième mois de l’année, le onzième jour de celui-ci. C’était ce 11 octobre 2015. Il avait 63 ans.

Par Suzanne Kala-Lobè

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