mercredi 21 mars 2012
Le chef de l’Etat a mis d’office le capitaine de corvette à la retraite le week-end dernier.
Par un décret signé le 5 mars dernier, mais qui n’a été rendu public que samedi dernier sur les ondes de la radio d’Etat, le chef de l’Etat, chef suprême des forces de défense, a mis à la retraite d’office, le capitaine de corvette Nestor Ndeke, en service à la base navale de Douala. L’intéressé, présenté comme l’un des suspects dans l’attaque de l’agence de la banque Ecobank de Bonaberi, est ainsi révoqué des rangs de l’Armée, après l’aboutissement d’une procédure disciplinaire engagée contre sa personne à l’issue de l’enquête administrative conduite par la hiérarchie militaire depuis près d’un an. Pour le haut commandement, ce militaire est mis à la retraite pour n’avoir pas rempli sa mission lors des évènements qui se sont produits dans la nuit du 18 au 19 mars 2011 à Bonaberi.
Dans la conclusion de la hiérarchie militaire, Nestor Ndeke, et quatre autre co-accusés, soupçonnés d’avoir aidé les assaillants à attaquer l’agence Ecobank de Bonaberi non sans faire cinq morts côté forces de l’ordre et sapeurs pompiers, apparaît comme le cerveau du gang des 18 Nigérians qui ont emporté plus de 250 millions de Fcfa des coffres de cet établissement financier. Mais, l’intéressé qui depuis le 17 mars dernier est redevenu civil, indique dans son mémoire adressé aux membres du conseil de discipline de l’Armée le 19 octobre 2011, indique dans quelles conditions il a été mis au courant de l’attaque de la banque. « Samedi 19 mars en sortant de chez moi à Ndogpassi II, j’apprends à bord d’un taxi les évènements de Bonaberi. L’information parlait d’un braquage et que beaucoup de militaires sapeurs pompiers ont trouvé la mort. Choqué par cette nouvelle, je descends du taxi et je cherche qui des miens à Bonaberi je peux appeler pour avoir plus de renseignements ; c’est ainsi que je tombe sur M. Ndoumbe. »
Mais des jours avant la survenance des ces faits qui viennent confirmer les informations qu’avaient reçues le renseignement militaire ainsi que la base navale de Douala au mois de février, Nestor Ndeke indique qu’un pêcheur nommé Deekor Nenta, menant ses activités à la pêcherie de Kangue, aperçoit le 26 février des hommes armés à bord d’une embarcation. Ces derniers viennent lui demander son aide pour savoir comment procéder pour rallier Bonaberi avec leur embarcation. « Ce pêcheur a donné l’alerte aux autorités camerounaises le 27 février notamment à la gendarmerie de Mabeta et à la gendarmerie maritime. Alerté, le Bir a accouru à Kangue et a récupéré Deekor Nenta », témoigne le capitaine de corvette Nestor Ndeke qui poursuit : « Le Bir a refusé la proposition faite par la brigade maritime qui sollicitait une action concertée. Le Bir a prétendu que son action se limite à surveiller le chenal. »
Deekor Nenta qui avait subi des sévices corporels de la part des 18 assaillants nigérians, sera conduit à Man’o War Bay pour recevoir des soins ; mais, après quatre jours passés dans les locaux de cette force d’élite, il sera d’abord ramené à la brigade maritime de Mabeta ; et, suite à la mésentente sur sa libération, il sera jeté en prison à New-Bell le 14 mars 2011, soit quatre jours avant l’attaque de la banque.
Pour sa défense, le capitaine de corvette Ndeke indique qu’à la suite de ces évènements, le capitaine de corvette Emmanuel Onana Essomba, l’appelle le 6 mars 2011 et lui demande de rallier d’urgence la base navale. A son arrivée, écrit-il, une attaque imminente contre la Base est annoncée. Le 7 mars, le commandant de la base, le capitaine de vaisseau Lucien Dzou réunit les équipes et leur apprend qu’un renseignement rapporte que 18 individus lourdement armés ont débarqué à la pêcherie de Kangue. « Il (le commandant de la base) précise, souligne le commandant Ndeke, qu’ils veulent s’attaquer à un camp militaire. Une alerte est constituée. »
Mais quelques jours après l’attaque de la banque, Aristide Ndoumbe, qui travaille aux ateliers navals est interpellé. L’exploitation de son téléphone portable permet de se rendre compte qu’effectivement, Nestor Ndeke l’avait appelé. Mais qu’avant lui, Emmanuel Onana Essomba et le capitaine de corvette Azafoukai l’avaient aussi appelé. Après avoir mis en cause Nestor Ndeke et deux de ses camarades d’armes, Aristide Ndoumbe revient sur ses aveux au motif que c’est sous l’effet de la torture qu’il avait incriminé Nestor Ndeke et ses camarades en indiquant au départ qu’il y avait cinq militaires dans l’attaque.
Nestor Ndeke qui attend maintenant l’issue de la procédure judiciaire dont le dossier est sur la table du commissaire du gouvernement depuis cinq mois, indique qu’il est innocent si l’on se fie aux déclarations du ministre de la Défense qui, face aux députés le 22 juin 2011, a nié toute participation militaire camerounaise à cette opération. « Une expertise et une analyse sans équivoque effectuées sur les matériels récupérés ont abouti à la conclusion que ces matériels ne sont pas d’usage dans les forces de défense », explique Nestor Ndeke dans sa plaidoirie. Dans le même document, il indique que « Aristide Ndoumbe, par qui sont parties les accusations à notre égard, une fois libéré des contraintes de la brigade de gendarmerie et présenté au commissaire du gouvernement, est immédiatement revenu sur ses aveux en présence du chef d’escadron Noah, commandant de la compagnie de Bonaberi, qu’il va déclarer que toute cette mascarade est fausse. Une histoire cousue de fil blanc ».
Devant le commissaire du gouvernement, poursuit Nestor Ndeke, Aristide Ndoumbe a indiqué que le commandant Noah « lui a imposé les noms des hommes en tenue. Pour n’avoir pas voulu s’exécuter, Ndoumbe a été pendu cinq fois avec pertes de mémoire. Il fut ensuite conduit à Bonjongo dans la nuit pour y être abattu. Il eut la vie sauve en acceptant et en promettant de répéter tout ce que le commandant voudra ».
Malgré cette volte-face d’Aristide Ndoumbe qui a raconté au commissaire du gouvernement dans le détail les méthodes utilisées par le commandant Noah et dont la confrontation a permis de confirmer les traitements inhumains et déshonorants qu’il a subis, Nestor Ndeke sera mis à la retraite d’office par le chef de l’Etat pour « faute lourde ».
Par Pierre Célestin Atangana(Mutations)