mercredi 24 juin 2015
Pour cet ingénieur agronome, cette structure ne réussira jamais à réguler la surchauffe des prix des denrées de grande consommation.
Selon l’Ins, l’inflation est en hausse de 3% presque au Cameroun pendant les quatre premier mois de l’année 2015. Il note une flambée des prix des produits de grande consommation. Est-ce à dire que la Mirap a échoué dans sa mission de régulation du marché ?
Je vous laisse le dire, puisque la Mirap ne pouvait qu’échouer. Ce qui n’est nullement surprenant. Nous l’avions dit en février 2011 que sa création était une fausse solution à un vrai problème. Sur les marchés, les prix sont fonction du rapport entre l’offre et la demande. Quand l’offre est supérieure à la demande, les prix baissent. Dans le cas contraire, comme tel semble être le cas, les prix flambent. Vous convenez avec moi qu’il n’y a que la production pour jouer sur les prix sur le long terme. Tant qu’on ne peut influencer la production, on n’a aucune force de contrôle sur les prix. Malheureusement, c’est au niveau de la production que nous sommes trop faibles. A la place d’une Mirap qui importe les denrées alimentaires, il aurait fallu une qui facilite l’obtention des semences et autres intrants aux producteurs. A défaut de jouer ce rôle, elle devient plutôt fossoyeuse de la production locale en ceci que les produits qu’elle importe concurrencent ladite production. Et, quand bien même elle essaye sporadiquement de distribuer les produits locaux, elle le fait en faussant les règles et les principes commerciaux à la perte des « bayam sellam » par exemple.
La Mirap n’a-t-elle pas plutôt un problème d’insuffisance des moyens financiers et humains ?
Si vous croyez qu’il faut plus de moyens humains ou matériels à la Mirap pour réguler la surchauffe des prix des denrées comme vous le dites, vous vous trompez amèrement. Même si on est en droit de demander des comptes et un bilan à cette Mirap pour les sommes déjà englouties, force est de reconnaitre que ce n’est pas un problème de moyens, mais celui d’approche et de stratégie. Il faut le dire clair et net que la Mirap telle que vous la connaissez ne sera jamais à mesure de réguler la surchauffe des prix des denrées de grande consommation.
Comment comprendre l’augmentation que connaissent actuellement les denrées comme le macabo, le manioc, etc., à Yaoundé, douala entre autres villes, lorsqu’à l’observation, on en produit de plus en plus dans les environs de ces métropoles ?
Vous êtes sûrs de ce que vous dites, qu’on en produit de plus en plus du macabo et autres manioc aux environs des grandes villes ? Pour le macabo, j’ai des doutes. Pour le manioc, c’est fort possible grâce à cette campagne initiée par le Minader ces derniers temps. Une campagne contre laquelle des voix s’élèvent déjà. Les variétés promues ne cuisent pas au feu pour la consommation directe. Elles sont bonnes pour la transformation en amidon et autres semoules qui entrent peu dans les habitudes ambiantes de consommation. Pire, les unités de transformations sont rares et tant pis pour ceux qui en produisent en grande quantité. L’augmentation des prix en cette période s’explique aussi par le fait que nous ne sommes pas en période de récolte de ces tubercules. Nous sommes en contre saison et les produits sont rares. J’aurais bien voulu voir la Mirap importer le macabo et le manioc, comme elle le fait allègrement avec le riz.
On a appris que la Mirap fonctionne depuis janvier sans budget, le Comité de gestion ayant refusé de valider la proposition de l’administrateur qui s’élevait 800 millions. Conséquence, elle est au bord du gouffre. Plusieurs de ses marchés périodiques à Yaoundé et Douala ont simplement disparu…
Personne n’avait remarqué ce que vous dites. Avez-vous vu des ménagères se plaindre de cette disparition ? En dehors de quelques clientes que je qualifierais du « réseau Mirap », elles sont nombreuses les ménagères qui poursuivent leur chemin vers les marchés de Mokolo, Mfoundi et autre Essos, sans se rendre compte de quoi que ce soit. Quand vous dites qu’elle fonctionne depuis janvier sans budget, qu’est-ce que cela veut dire ? Et pourquoi le comité de gestion refuse-t-il de valider la proposition de l’administrateur ? Tous ces non-dits donnent un mauvais sentiment que je ne voudrais exprimer ici.
Cette structure a démarré ses activités en 2011 avec un budget de 983 millions F Cfa. Vous semblez penser comme certains qu’elle n’a pas de bilan à défendre, quatre après !
Qu’est-ce que j’en sais ? Avez-vous en tête une structure publique de cette nature dont les rapports sont rendus publics ? Si non, le bilan qui vaille défendre c’est celui de son impact sur la flambée des prix des produits de première nécessité sur les marchés. Ce par rapport à quoi vous le dites vous-mêmes qu’il est négatif.
Est-ce que la Mirap n’est pas au final un éléphant blanc né de février 2008 ?
Je dirais plutôt un « éléphanteau blanc », puisqu’elle ne nous brouille pas les yeux avec des investissements abandonnés. Elle sait tenir hors de vue ses quelques chapiteaux d’occasion qui lui servent d’identification le temps d’une sortie. Si vous tenez à voir des vrais éléphants blancs nés de février 2008, allez visiter la Sotramas à Sangmélima, La Spac à Bafang, la Lada à Douala…
Comment devrait fonctionner une structure comme la Mirap ?
Une structure comme la Mirap, dans sa conception actuelle, ne devrait pas exister. On devrait arrêter ce gâchis et réinvestir ces sommes non négligeables à d’autres fins. Une chose est sûre, au lieu de l’amoindrir, la Mirap aggrave notre insécurité alimentaire. Heureusement qu’elle descend déjà sur la courbe de Gauss, en suivant intimement la trajectoire de la Mideviv (Mission de développement des vivres) qui, pour des raisons similaires, fut morte de sa propre mort.
Propos recueillis par J.D.B(Mutations)