lundi 16 mai 2011
Le dicton selon lequel « qui veut la paix prépare la guerre » n’est pas valable seulement pour la non agression frontalière des voisins. L’Histoire du monde, et désormais plus singulièrement celle de l’Afrique, montre que cet adage est plus significatif par rapport à la gouvernance interne des Etats, en indiquant, comme le dirait une encyclique papale, que « le nouveau nom de la paix c’est le développement »
Il se trouve que dans le développement, comme dans la tranquillité aux frontières, ce sont les gouvernements qui portent la responsabilité de la recherche ou de l’instauration de la paix. Le gouvernement qui veut la paix des frontières, élabore des stratégies de défense et fourbit ses armes… Celui qui prépare la « paix-développement » instaure et protège la démocratie et la Justice dans son pays, lutte contre la pauvreté de ses populations et les inégalités sociales, garantit à tous les citoyens l’accès aux soins de santé, à la propriété, et à la prospérité, veille au respect par tous, des droits humains (naturels ou acquis) de tous, et surtout évite d’ériger la permissivité et l’impunité en normes de vie sociale pour les dirigeants du pays et les « leurs », et contre le peuple.
Un gouvernement compétent et responsable obtient ainsi la paix sociale qui signifie la coexistence pacifique et harmonieuse des populations de son pays, quelles que soient leurs origines sociologiques, culturelles ou religieuses.
Une paix sociale induite par la sécurité alimentaire et sociale de tous ; par l’égalité de protection ou de punition de tous devant la loi, et une justice équitable, toutes choses que garantit l’indépendance de la magistrature ; par l’égal respect des droits humains de la part des autorités publiques et privées ; par l’égalité des chances économiques, sociales et culturelles pour tous que permettent une législation de production et une justice distributive transparente de l’Etat.
Une paix sociale induite par-dessus tout, par le droit et la possibilité effectifs qu’ont les citoyens de choisir librement ce gouvernement-là, de contrôler son action, et de le révoquer le cas échéant, sans avoir à recourir à l’insurrection. C’est cette paix-développement qui peut garantir dans notre pays en particulier, la stabilité recherchée pour attirer les investissements économiques pourvoyeurs d’emplois et de bien-être social.
En tout état de cause, la paix sociale ne saurait être, comme dans le Cameroun du Rdpc, une tranquillité basée sur la peur d’être tué par la répression militaire si l’on exprime son insatisfaction.
Dans le cas du Cameroun, elle ne saurait être non plus ce pacte de non agression que M. Issa Tchiroma, ministre de la Communication (gouvernementale), propose aux médias camerounais pour passer sous silence, en cette période pré-électorale, les turpitudes du gouvernement auquel il appartient, à la fois sous le prétexte insuspect de « la stabilité du pays », et comme conditionnalité pour une aide publique à la presse ; laquelle aide est pourtant une obligation constitutionnelle de l’Etat.
Malheureusement, chaque fois que ce ministre fait une sortie publique dans ce sens, il se trouve toujours des dirigeants des médias nationaux pour lui faire croire que la presse doit marchander sa mission de défense de la paix contre une aide de l’Etat. C’est ce que nous appelons au Messager une « demande de corruption » qui attend une « offre de corruption » du pouvoir.
Or c’est déjà dans les missions de la presse,(aidée ou non par le gouvernement), de défendre la paix aux frontières comme dans la nation, en accompagnant la gouvernance, ou en la dénonçant, selon qu’elle agit pour promouvoir la paix nationale telle que nous la décrivons, ou pour la déconstruire. Quand nous disons que le gouvernement est responsable de la paix sociale dans un pays, cela veut dire que si dans ce pays il y a la paix, c’est grâce au gouvernement ; et s’il y a la guerre civile (qui est le contraire de la paix civile), c’est à cause du gouvernement.
La presse a donc, non pas le droit, mais l’obligation de dénoncer tout ce que fait un gouvernement et qui est de nature à empêcher ou retarder l’avènement de cette paix. A savoir, par exemple, l’obstruction systématique, et même systémique à l’ancrage du processus démocratique ; l’iniquité et ou la corruption d’un système judiciaire qui devient ainsi capable de maintenir en prison pendant 14 années un innocent qui s’est retrouvé au mauvais endroit et au mauvais moment dans un contexte de querelles politiciennes, et à l’endroit de qui, au demeurant, une ordonnance de non lieu a été rendue ; le bradage des ressources naturelles et des entreprises publiques nationales (voir les privatisations-fuites) qui induit le sous-emploi et le chômage massif de près de 60% de la population du pays ; un système scolaire qui empêche 95% des filles de l’Est-Cameroun d’accéder à l’enseignement secondaire, ou un système sanitaire qui laisse le choléra se promener dans toutes les régions du pays pour aider les populations à mourir de pauvreté dans la paix. Et j’en passe.
L’incompétence du gouvernement camerounais actuel (pour lequel roule M. Tchiroma) à doter le pays d’un système bancaire, et d’une politique énergétique propices à un développement industriel et commercial endogène, n’est pas le genre d’argument par lequel une presse responsable de la paix peut appuyer la campagne électorale de M. Biya. A charge pour lui et ses thuriféraires de démontrer le contraire par des faits prouvant que le septennat qui s’achève aura été davantage celui des grandes ambitions réalisées que celui de grandes promesses répétitives.
Pour sa part, Le Messager est prêt à souscrire à tout deal de paix et de stabilité qui rentre d’ailleurs naturellement dans son objet social, mais avec ceux qui démontrent leur détermination à construire une paix nationale basée sur le respect de tous les droits des populations, et non avec un système établi dans la prédation et les violations impunies des valeurs qui fondent une société de paix juste et durable.
Par Jean Baptiste Sipa(Le Messager)