vendredi 10 décembre 2010
Dans la mouvance du Cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun, les forces de défense viennent de célébrer leur cinquante années d’existence aussi. Sous le regard à la fois froid et satisfait de leur chef suprême. Pour une fois, tout le haut commandement est sorti de Yaoundé pour Bamenda, le chef-lieu de la région du Nord-Ouest qui eu l’insigne honneur d’abriter cet événement.
En prélude, toutes les garnisons du pays ont sacrifié à un rituel qui ne figure pas dans les habitudes militaires : « l’Opération portes ouvertes ». Possibilité était donnée aux civils d’investir les casernes, de découvrir l’arsenal des forces de défense et même d’assister au maniement de certaines armes. Fait rare, on n’a pas assisté à des altercations entre les militaires et les civils dont on sait que les relations ne sont pas toujours conviviales. On n’a pas déploré des passages à tabac de quelques intrus imprudents et impudents par des bidasses en goguette. Mieux, on n’a pas déploré une de ces bavures qui coûtent souvent la vie aux civils.
On peut affirmer qu’entre militaires et civils ces derniers temps, on a fumé le calumet de la paix. Pourvu que ça dure. Et même que la hache de la guerre soit définitivement enterrée. Que civils et militaires cohabitent en symbiose comme le veut le thème sous lequel ce cinquantenaire a été placé. Quand on connaît les affrontements à armes inégales qui opposent souvent civils et militaires chez nous, on se demande si ce ne sont pas des fils ou frères de ces mêmes civils qui ne sont pas en uniforme pour défendre, paradoxalement, ceux qu’ils violentent. Nous l’avons souvent écrit dans ces mêmes colonnes : nos enfants et frères soldats se comportent vis-à-vis de nous comme une armée d’occupation. Ce qui est à l’origine de ce climat de méfiance qui caractérise les relations militaires civiles.
Je me souviens de ce camarade d’enfance que la gifle qu’il a reçue d’un militaire au retour d’un match de handball a déterminé à entrer dans l’armée. Il ne m’a jamais dit qu’il a pu rencontrer son tortionnaire quand il a atteint son objectif. Marin, il s’est retrouvé à la garde présidentielle. Nous nous voyons si rarement que je n’ai jamais eu l’occasion de lui demander comment il nous voit aujourd’hui, nous les civils. Maintenant qu’il est de l’autre côté.
A l’école militaire ou de police, nos hommes et femmes en tenue ne sont pas uniquement enseignés par des gradés. Les civils sont tout aussi nombreux à participer à leur formation. Mais d’où vient donc cette hargne de nos soldats à casser du civil à la moindre occasion. C’est ici qu’il faut examiner l’utilisation que les autres civils, ceux d’en haut font de nos militaires. Le ministre de la défense est un civil. Le chef suprême des armées est un civil. Alors ?
C’est vrai que c’est une dent cariée qui pourrit toute la bouche car on rencontre souvent sous l’uniforme des hommes et des femmes pas bêtes et méchants du tout. Mais on a fortement l’impression que la caserne – même s’il y a de moins en moins au Cameroun ; nombreux étant les militaires qui logent dans les quartiers ordinaires – ne renferme plus que des polissons et des loubards.
Il faut espérer qu’après ce cinquantenaire, l’armée camerounaise, mature, deviendra plus citoyenne, plus conviviale avec les compatriotes qui ne sont pas sous les drapeaux. Qu’est-ce qu’elle est loin cette armée qui a tracé la route Bafang -Yabassi, l’échangeur de Nkolbissong. Et bien d’autre ouvrages C’est dire qu’elle est capable d’impulser et d’accompagner le développement. A condition que les moyens soient mis à sa disposition et que les officiers se mettent à l’école de la bonne gouvernance et de la gestion rationnelle car une troupe dont les cadres détournent la solde des hommes de rang et se livrent au trafic des moyens logistiques se transforme en horde barbare.
Par Jacques Doo Bell(Le Messager)