mercredi 5 décembre 2012
Le père du « Soul Botingo » vient de commettre un album de 10 titres dans le marché du disque. L’artiste, chorégraphe, producteur explique les contours de sa nouvelle parturition et lève un coin de voile sur la gestion du droit d’auteurs au Cameroun.
Un album, dans un contexte camerounais où le piratage des œuvres de l’esprit se porte bien a-t-il de fortes chances de prospérer et de permettre à l’artiste, producteur que vous êtes de rentrer, tout au moins dans ses frais ?
La chance que cet album aura est que nous avons fait un travail de fond à tous les niveaux. Sachant que la piraterie a gagné le marché, nous avons pris d’autres mesures pour la contourner. C’est à juste titre que nous avons près de 20 000 Cds sur le marché dès la première sortie. Nous avons décidé aussi de démocratiser le prix en vendant un Cd au prix de détail à 1.000Fcfa. Nous avons également projeté de faire la vente de proximité et exploiter le réseau de ceux que l’on appelle pirates car nous n’avons pas de choix et nous devons nous adapter aux réalités.
Quels sont les messages qui se greffent au titre de cette autre production discographique ? Pourquoi ce titre ?
Les messages d’espoir, l’amour, le mariage, les problèmes dans les foyers conjugaux et encore l’amour. Le monde au 21 siècle va dans tous les sens. Le titre « Appelle-moi ». C’est un appel à l’espoir. Un hymne à l’optimisme et à l’espérance. Les nombreux voyages de Prince Eyango dans le monde ont influencé les chansons contenues dans cet album et même toute ma culture en général. Le monde d’aujourd’hui est devenu un gros village comme on dit et c’est dans ce sillage que nous assistons au phénomène de fusion ; c’est cela aussi le mélange.
Au Cameroun, la gestion du droit d’auteurs ressemble à un vaste bordel. Les artistes ne vivent pas véritablement de leur art à cause des batailles intestines et la contrefaçon. Quel est l’avis de Prince Ndedi Eyango sur la question ?
Je suis resté a l’écart de toute cette cacophonie parce que je ne me reconnais pas dans le comportement de certains de ceux qui sont censés être mes collègues, et surtout ce groupe d’individus qui a pourrit le droit d’auteurs au Cameroun. Je suis de ceux-là qui n’ont jamais gagné dans le droit d’auteurs au Cameroun. L’histoire part de la Socadra à la Socinada en passant par la Cmc. De ces trois sociétés qui ont existé pendant mes moments de gloire, je n’ai rien gagné. J’ai pendant mes bientôt 30 ans de carrière, vu plusieurs présidents de conseil d’administration, les directeurs généraux, les secrétaires…de ces sociétés passer mais le Prince Ndedi Eyango est toujours là. Il chante encore et ses œuvres vivent encore. On peut tout me prendre mais personne ne peut m’arracher le don dont Dieu m’a gratifié. Un véritable cadeau et je lui suis reconnaissant. Le monde du show business au Cameroun est plein de ceux qui souffrent d’une maladie : l’ignorance. Et ce, depuis plusieurs années. Il y a beaucoup de confusion dans ce milieu. J’ai toujours travaillé dur pour gagner ma vie. Je me bats pour vivre et non combattre pour survivre. J’ai comme l’impression que ça fait plaisir à certains d’être traités comme des illettrés et des minables. Tu retrouves des gens qui parlent au nom des musiciens alors qu’ils ne le sont pas. D’autres sortis de nulle part, se passent pour des producteurs alors qu’ils ne le sont pas.
Que faire pour sortir de l’impasse ?
Il y a deux suggestions : dans un premier cas, il s’agit de laisser gérer la musique et le droit d’auteurs par ceux qui ont un intérêt important, qui sont encore productifs et ont fait preuve du sens de la gestion et de l’initiative. Ceci demande du bon sens. On doit taire les intérêts personnels pour l’intérêt commun. Nous devons nous unir pour trouver des solutions définitives au lieu de personnaliser le débat. Créer une plate- forme de réflexions sélectives pour aboutir à une solution futuriste. Dans un deuxième cas, je suggère que l’Etat gère le droit d’auteurs comme une société publique ou le Pca et le directeur général sont nommés et chacun sait qu’il doit rendre compte. Depuis la Socinada, les vieilles habitudes se sont installées, la gestion d’une entreprise n’est pas un problème de sentiments, de copinage, de famille. Mais en travaillant avec des gens efficaces, on aura un résultat positif.
Entretien avec Alain NJIPOU(Le Messager)