jeudi 25 mars 2010
L’ambiance festive d’hier au hall d’entrée du Palais des congrès de Yaoundé où se célèbre le 25e anniversaire du RDPC, tranche avec le climat de cimetière qui règne au premier étage du bloc administratif du même bâtiment qui héberge la Commission nationale anticorruption (CONAC).
A ce palier, le personnel fait le deuil d’un des militants de la première heure du parti des flammes. Le visage serré, les cadres de la Commission échangent en petit comité dans les couloirs. Impossible de ne pas percevoir la vive émotion qui traverse ceux qui ont été tous recrutés par Paul Tessa qui vient de rendre l’âme. « Le président était pourtant en forme ! », lance une dame qui s’affaire devant une machine de reprographie. Elle sert inlassablement la même phrase à un huissier venu faire sceller le bureau du désormais ex-président de la CONAC.
La nouvelle qui ébranle ainsi tout le personnel de la CONAC qui a du mal à avoir du cœur à l’ouvrage est tombée dans les coups de cinq heures du matin hier. Paul Tessa est mort à l’âge de 72 ans, des suites d’un court malaise survenu deux jours avant. Des membres de sa famille rencontrés à son domicile, situé à un jet de pierre du lycée d’Anguissa parlent même d’un malaise anodin. « Personne n’avait imaginé le pire ! », s’exclame le chef de la communauté Fokoué de Yaoundé (son village natal, situé près de Dschang dans la région de l’Ouest). Le dignitaire a mobilisé tout ce que compte le département de la Menoua comme membres de l’élite pour venir consoler les deux épouses du défunt. D’autres personnes rencontrées à cette résidence d’où s’échappent des pleurs confient que « le président » a été interné à l’hôpital de la Caisse nationale de la prévoyance sociale (CNPS) avant-hier, après un malaise qui l’a cloué au lit pendant trois jours. Les mêmes sources ajoutent que la situation n’était pas pour autant alarmante au point où la possibilité d’une évacuation sanitaire en Europe a été très vite écartée. D’où l’expression de la surprise qui s’est emparée des salons de Yaoundé hier.
Un haut commis de l’Etat s’en va
Il est quasiment impossible de ne pas se rendre compte que la villa de Paul Tessa n’est pas éloignée de celle où vécut Paul Biya avant 1975. Les deux camarades du lycée général Leclerc à Yaoundé étaient des voisins qui s’appréciaient beaucoup. Cette proximité n’est pas le seul point qui rapproche les deux hommes. Ceux qui les connaissent bien disent qu’ils ont également en commun, des traits de caractère qui se rapportent à de la réserve et à de la minutie. Si Paul Biya a atteint les cimes avec son accession à la magistrature suprême, il n’en demeure pas moins que son ami, Paul Tessa n’a rien à lui envier du point de vue des responsabilités dans la haute administration. Les deux ayant bénéficié, très jeunes, de la confiance de feu le président Ahidjo.
Revenu de ses études en France en 1965, nanti d’un DESS en droit public et en sciences politiques, Paul Tessa flirte avec l’Inspection générale de l’Etat, avant d’être nommé chargé de mission, puis conseiller technique à la présidence de la République. Il va partir de ce dernier poste, pour séjourner à la tête du très stratégique ministère de l’Equipement, de l’habitat et des domaines de 1972 en 1975. La promotion de son ami « Paul », comme successeur constitutionnel d’Ahidjo va coïncider avec son déclin dans les plans du tout premier président du Cameroun. A partir de cette date, il ne va occuper que des postes de seconds couteaux jusqu’au rebond que lui offre son ami devenu, entre temps, président de la République. Il est tour à tour nommé directeur général de la SOPECAM (éditeur de Cameroon tribune) en 1987, secrétaire général de la présidence de la République en 1988, un an après il revient à l’Equipement devenu ministère des Travaux publics jumelés aux Transport. L’opinion qui croit que son illustre ami lui a trouvé un bon strapontin de retraite en le nommant comme inamovible président du conseil d’administration de la SOPECAM, est surprise que les destinées de la CONAC, créée le 11 mars 2006 lui soient confiées le 15 mars 2007, avec des marges de manœuvre immenses.
Jacques DOO BELL et Rodrigue N. TONGUE(lemessager)