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Paul Gérémie Bikidik :“ Le gouvernement est de connivence avec les opérateurs économiques véreux ”

mardi 15 mars 2011


A l’occasion de la célébration ce 15 mars 2011 de la Journée mondiale du droit du consommateur (Jmdc), Le Messager a rencontré Monsieur Paul Gérémie Bikidik, président du Race (Réseau associatif des consommateurs de l’énergie). Il dénonce l’inaction et le laxisme du gouvernement camerounais dans la lutte contre la vie chère et jette un regard critique sur les politiques publiques en matière de consommation.

Cette année, le thème de la Journée mondiale du droit du consommateur (Jmdc) est : “ Des services financiers équitables pour tous ”. Pourquoi ce thème et sous quel angle le Race aborde–t-il cette journée ?

C’est au regard du succès qu’a connu la Jmdc 2010 dont le thème était “ Notre argent, nos droits ” que Consumers International, qui est la fédération mondiale des consommateurs, a décidé de consacrer également la Jmdc 2011 aux services financiers. Il s’agit pour Consumers International et toutes les 220 ongs qui la composent, dont le Race, de donner un écho à une vaste campagne lancée en septembre dernier et intitulée “ Consommateurs pour des services financiers équitables ”. Au Cameroun, comme l’année dernière, le Race a choisi de s’intéresser au rôle ambigu des Emf (établissements de microfinance) et de dénoncer le calvaire des consommateurs de produits financiers, victimes de pratiques scélérates des opérateurs de ce secteur d’activité. Dans notre pays, la logique mercantile et mesquine l’emporte largement sur la mission originelle dévolue à la microfinance à savoir, fournir des services financiers accessibles à des personnes à revenus modestes. La scandaleuse banqueroute que traverse en ce moment même la Cofinest et les milliers de victimes qu’elle a engendrées, démontre à suffire le caractère criminogène de cette activité au Cameroun. Certains opérateurs de ce secteur sont de véritables prédateurs qui n’hésitent pas à profiter du désespoir et de l’indigence des usagers. Au Cameroun, la microfinance devient au fil du temps un vecteur avéré de pauvreté. Le plus écœurant dans cette histoire est que tout cela se passe très souvent sous le regard passif et presqu’indifférent des pouvoirs publics.

Selon vous d’où viennent tous ces travers observés dans le secteur de la microfinance au Cameroun et comment y mettre fin ?

Les causes de ce gangstérisme à ciel ouvert sont multiples et sont bien connues de tous, surtout même de l’autorité de tutelle qu’est le ministère des Finances. Dans notre pays, à peine 5% de la population adulte possèdent un compte bancaire dans un établissement classique. Près de 95% de nos compatriotes sont donc de ce fait des “ exclus ” du système bancaire conventionnel. A côté de cette exclusion bancaire, il y a une prolifération désordonnée des prestataires de services financiers de proximités, dont les promoteurs profitent pleinement des dispositions de la loi n°92/006 du 14 août 1992 relative aux sociétés coopératives et aux groupes d’initiative commune (Gic). Cette loi est née de la crise du secteur bancaire de la fin des années 80 et de l’impact négatif des Pas (plans d’ajustement structurel) dictés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (Fmi). Ces Pas avaient entraîné la faillite de plusieurs institutions financières locales et conduit à une libéralisation du secteur financier local. Toutefois et plus fondamentalement, l’absence d’un statut juridique du consommateur au Cameroun, d’une régulation spécifique et d’un cadre règlementaire sectoriel plus adapté, ont favorisé une forme d’anarchie propice à toutes sortes de pratiques malveillantes auxquelles se livrent des opérateurs véreux, qui choisissent délibérément de faire des pauvres leurs proies de prédilection. Pour en finir avec cette “ pègre ” qui s’installe et se développe dangereusement, il faut une intervention plus marquée de la puissance publique dans la gestion des Emf. Pour protéger l’épargne des usagers, l’Etat doit s’assurer du respect scrupuleux des ratios prudentiels, c’est-à-dire l’équilibre entre l’épargne et les crédits effectués par ces établissements. Enfin, pour arrêter les pratiques usuraires qui ont cours dans les Emf, il faut absolument plafonner les taux d’intérêts débiteurs dans les Emf, en les alignant sur ceux des banques conventionnelles qui oscillent actuellement autour de 11%.


Trois ans après les émeutes de février 2008, quel bilan faites-vous de l’action du gouvernement dans la lutte contre la vie chère ?

Tout d’abord, je salue une nouvelle fois la mémoire des dizaines de nos compatriotes tombés sur le “ front ” de la lutte contre la vie chère durant ces journées noires de février 2008. D’ailleurs à cet effet, le 18 février 2011, au nom de tout le mouvement consumériste national, le Race avait rendu publique une déclaration commémorative relative à ces toutes premières émeutes de la faim de l’histoire du mouvement social au Cameroun. Cela dit, hormis l’augmentation de 15% des salaires des fonctionnaires, aucune des mesures décidées par le gouvernement le 7 mars 2008, c’est-à-dire aux lendemains de cette révolte sociale inédite, n’a été appliquée. Depuis février 2008, les prix des denrées de première nécessité n’ont pas changé, certains connaissent même une augmentation vertigineuse. Officiellement, le taux d’inflation oscille autour de 5%, mais tout le monde sait que ce chiffre ne traduit pas la réalité de la hausse des prix. Dans nos marchés, l’inflation atteint et dépasse même parfois les 50 %, l’électricité et l’eau sont toujours inaccessibles. Bref, trois ans après ces violentes manifestations contre la vie chère, rien n’a changé pour les consommateurs. L’immense majorité de nos compatriotes continue à souffrir le martyr en silence, à la fois confrontés à une inflation galopante et à la baisse implacable de leur pouvoir d’achat. En somme, le gouvernement a lamentablement échoué à remplir l’une de ses plus importantes missions régaliennes qui est d’assurer le bien-être du consommateur.

Quels sont selon vous les niveaux de responsabilités dans cet échec ?

S’il est aujourd’hui établi que cette pénible situation découle de l’absence d’une vision prospective des questions relatives à la consommation, on peut dire sans détours que cet échec patent incombe à l’ensemble du gouvernement. Toutefois, les responsables directs de ce fiasco sont avant tout les relais administratifs, donc le tout premier est le ministère du Commerce, chargé d’appliquer les directives gouvernementales. En l’occurrence, les consommateurs ont accumulé plusieurs griefs contre le ministère du Commerce. Pour expliquer la pénurie chronique des produits de consommation de base et la hausse exorbitante des prix des denrées observées dans nos marchés, le ministre du Commerce, n’hésite pas à invoquer des arguties faciles et saugrenues, se faisant volontiers le porte-voix des importateurs et autres producteurs. Il s’est notamment illustré par son incapacité notoire à prononcer et appliquer la moindre sanction contre les nombreux opérateurs économiques véreux, passés maîtres dans l’art de la filouterie douanière, de l’arnaque et de la spéculation à outrance. Et pourtant, l’article 3 de la loi N°90/031 du 10 Août 1990 régissant l’activité commerciale au Cameroun dit clairement ce qui suit : “ L’activité commerciale doit s’orienter vers l’amélioration de la qualité de vie ainsi que la satisfaction des besoins du consommateur, tant au niveau des prix que de la qualité des biens et services offerts… ”. Au lieu d’appliquer cette disposition législative, le gouvernement se borne à servir sans vergogne les intérêts des opérateurs économiques au détriment des consommateurs. Tous les droits sont reconnus aux opérateurs économiques, le soutien aux usagers se limitant uniquement à une litanie de discours démagogiques et autres annonces médiatiques pompeuses. Toutes ces pratiques indues font peser de lourds soupçons de collusion d’intérêts maffieux et de complicité dans la spoliation des usagers, en même temps qu’elles alimentent un sentiment d’injustice chez les consommateurs. Nous dénonçons cette duplicité manifeste…

Le 1er Février 2011, le président de la République a créé la Mirap chargée de l’approvisionnement en produits de grande consommation. Que vous inspire cet acte ?

Pour nous, cette décision est totalement irrationnelle, même si elle traduit la préoccupation du chef de l’Etat sur la pénurie chronique des produits de consommation courante. C’est une réponse administrative inopportune qui ne règle rien au fond et n’offre aucun gage d’efficacité. On ne peut pas parler de la Mirap sans faire le procès du ministère du Commerce. La création d’une telle structure consacre l’échec et disqualifie de facto le ministère du Commerce. Cela dit, nous sommes convaincus que la Mirap ne sera qu’un nouvel instrument bureaucratique, un nouveau terrain d’expérimentation des arrangements mesquins au service de quelques opérateurs économiques véreux et une poignée de fonctionnaires concussionnaires de l’administration en charge du commerce et même des autres départements ministériels concernés par ce décret. En cette année de l’élection présidentielle, pour la plupart des consommateurs, la Mirap apparait ni plus ni moins comme une mesure électoraliste qu’une véritable solution au problème récurrent de la vie chère au Cameroun.

Le 23 Février 2011, on vous a vu manifester aux côtés des partis politiques en souvenir des “ martyrs de février 2008 ”, en quoi cette célébration vous concerne-t-elle ?

La lutte pour l’accès au droit s’inscrit en droite ligne dans le combat pour la justice sociale, c’est un combat citoyen qui interpelle chacun d’entre-nous. Je vous rappelle que le soulèvement populaire survenu en février 2008 était avant tout une “ révolte du ventre vide et du mal-être du consommateur”. En tant qu’organisation de défense des droits et de protection des intérêts économiques et sociaux des consommateurs, le Race se sent directement concerné par la commémoration chaque année de ces tragiques évènements. Malgré mon statut d’acteur social, c’est en tant que membre du bureau politique du Manidem, que j’ai pris une part active à l’organisation de la manifestation du 23 février 2011, mot d’ordre lancé par le Manidem, le Sdf et d’autres formations politiques. En tout état de cause, le consommateur que je suis s’oppose à une société inamovible qui méprise ses droits fondamentaux. Il faut dire que trois ans après ces tristes évènements, force est de constater que le décor est à nouveau planté pour de nouvelles émeutes de la faim au Cameroun. Je pense que c’est par une synergie citoyenne et patriotique sous l’impulsion conjointe de la société civile active et des politiques que nous arriverons à un changement qualitatif dans notre pays. Nous pensons que pour éviter un nouveau chaos au Cameroun, il est temps pour les politiques de réaliser que nous vivons sous une véritable poudrière sociale potentiellement explosive. Il faut impérativement apporter une réponse juste et durable à la demande sociale actuelle ; dans le cas contraire, j’ai la conviction que nous courrons droit vers une catastrophe sociopolitique de grande ampleur.

Malgré les actions du Race, les délestages semblent revenir en force et l’électricité coûte toujours plus chère. Qu’est-ce qui explique ce retour des rationnements de l’électricité et cette flambée du prix du kwh ?

Comme vous le savez certainement, le prix et la qualité du service de l’électricité sont au centre de notre combat. A cause de l’inconfort des consommateurs “ résidentiels ” et de l’énorme manque à gagner pour les entreprises, le Race plaide, depuis plusieurs années, pour une pénalisation des délestages. Pour stopper le calvaire des usagers de l’électricité, il faut que le gouvernement cesse d’être laxiste à l’égard de l’opérateur Aes/Sonel et qu’il accepte de punir sévèrement ces infractions techniques chroniques. Pour cela, l’Etat peut saisir l’occasion qu’offre la deuxième révision cette année 2011 du contrat de concession signé le 18 juillet 2001, pour modifier plusieurs dispositions de cette convention inique et décider d’infliger, en cas de délestage, des sanctions financières ou fiscales à l’encontre de Aes/Sonel. En ce qui concerne le prix du kwh, je rappelle qu’au Cameroun, c’est l’Arsel qui fixe les tarifs de l’électricité sur proposition de l’opérateur et sur la base des engagements contractuels. Mais le problème de la tarification de l’électricité dans notre pays n’est pas seulement d’ordre juridique, il est même d’abord structurel. Les tarifs demeurent élevés en grande partie à cause des énormes pertes techniques sur les lignes de transport de l’énergie à partir des sites de production jusqu’aux centrales de distribution. Ces pertes sont dues à la saturation et à la vétusté du réseau de transport. Elles représentent entre 30% et 40% du tarif appliqué au consommateur ; alors que les normes internationales les fixent à 10%. A cet effet je signale que, depuis le 4 décembre 2006, l’article 4 de l’avenant au contrat de concession de transport de l’électricité sur le chapitre consacré à l’exclusivité stipule que : “ … à partir de 2008, l’exclusivité de l’activité de gestion du réseau de transport sera transférée à la filiale qui deviendra gestionnaire du réseau de transport… ”. Depuis trois ans Aes/Sonel fait donc obstruction à la création d’une filiale autonome de transport de l’énergie, qui pourrait pourtant optimiser ce segment de l’activité du secteur de l’électricité. Par ailleurs, à travers les pertes commerciales qui intègrent la mauvaise gestion clientèle et la fraude et représentent 10% du même tarif, Aes/Sonel fait injustement payer aux consommateurs les conséquences de ses défaillances managériales. Pour stabiliser et même tirer les tarifs d’électricité vers le bas, il faut réduire les pertes techniques en lignes de transport et supprimer la part des pertes commerciales sur la structure du tarif d’électricité.

Quel regard portez-vous sur le fonctionnement des associations de consommateurs et sur les interactions de certaines de ces Ongs avec les opérateurs économiques ?

Le pluralisme associatif peut être considéré comme une preuve de vitalité d’une société civile en mouvement. Mais, dans le cas de notre pays, la prolifération des organisations de défense des droits des consommateurs nuit sérieusement à la réputation et à l’efficacité du mouvement consumériste national. La solution réside dans un regroupement en fédération, mais surtout dans la spécialisation sectorielle, qui seule est gage d’efficacité. Certains opérateurs économiques qui sentent leurs intérêts mesquins menacés par l’activisme de quelques associations de consommateurs, procèdent très souvent à la manipulation des responsables de ces organisations. D’autres créent ou font créer des associations totalement acquises à leur cause. Ces pratiques illicites jettent un discrédit grave sur le mouvement consumériste national. Heureusement, malgré l’absence de subvention publique, il y a beaucoup de responsables de ces organisations qui résistent encore à l’appât du gain, en refusant toute compromission, restant intègres et fidèles aux objectifs qu’ils se sont assignés. Le Race pour sa part a fait le choix de la spécialisation et revendique son appartenance à une société civile dynamique et patriotique. Quoi qu’il en soit, les consommateurs ont décidé de prendre leur destin en main. A défaut d’obtenir des pouvoirs publics l’implication formelle dans la prise des décisions qui les concernent, ce n’est que par la mobilisation et une organisation sans faille que la société civile en général et le mouvement consommateur en particulier, pourront influencer la gouvernance dans notre pays et imposer un contrôle citoyen des politiques publiques dans les secteurs économique et sociopolitique.

Quels sont les solutions du Race pour lutter efficacement contre la vie chère ?

Pour sortir notre pays de l’ornière et garantir la disponibilité des denrées de première nécessité et l’accès aux services de base, le Race propose une solution en 07 points : 1- Renforcer le pouvoir du consommateur face aux producteurs et aux distributeurs par l’adoption d’un statut légal du consommateur ; 2- Améliorer le pouvoir d’achat des consommateurs par la revalorisation des salaires des fonctionnaires et des petits salariés du privé. 3- Créer en lieu et place de la Mirap , un conseil national de la consommation (cnc), une sorte d’organe consultatif chargé de conseiller le gouvernement sur toutes les questions relatives à la protection des intérêts des consommateurs, qui devront y être fortement représentés par les organisations de défense des droits des consommateurs. 4- Identifier et geler les prix de certains produits de “ consommation de masse ”. 5- Parce que nous savons que la charge due à l’électricité et l’eau représente près du tiers du budget mensuel d’un ménage camerounais moyen, nous préconisons une réduction de moitié du prix actuel du kwh et du m3 d’eau. 6- Procéder à une forte détaxation et à une défiscalisation ciblée de certaines activités de production, d’importation et de commercialisation des produits de grande consommation. 7- Engager une vraie lutte contre la spéculation par un contrôle assidu des prix préalablement homologués et renforcer l’arsenal de répression des fraudes.

Entretien avec Frédéric BOUNGOU(Le Messager)

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