vendredi 28 juin 2013
Le père du feu Marc-Vivien Foé qui continue de porter le deuil, déplore l’indifférence criarde dont ont fait montre les coéquipiers de son fils depuis sa disparition.
En ce jour anniversaire des dix ans du décès de Marc Vivien Foé, quel est votre état d’esprit ?
L’émotion reste toujours aussi vive, même si en tant que père et parent, on essaye de soutenir nos enfants en les faisant comprendre que ce sont les choses de la vie. Mais croyez-moi, ça fait mal. Marco était notre force et notre fierté. Il n’y a qu’à regarder à quel point les jeunes qui l’adulaient continuent de se battre pour que sa mémoire reste gravée dans le football. Toute cette nostalgie-là nous obsède et nous attriste aussi mais quand aujourd’hui je constate que ses frères et sœurs, sa mère et moi continuons de l’honorer, ça me fait du bien. Même si à chaque fois que le mois de juin arrive, je souffre sérieusement. Pour ce dixième anniversaire, nous avons décidé de lui dédier une messe de requiem. C’est notre façon à nous de lui dire que nous pensons très fort à lui là où il est.
Ses coéquipiers en sélection nationale vous rendent-ils souvent visite ou viennent-ils souvent se recueillir auprès de sa tombe ?
Jamais. Et ça je puis vous dire que ça me surprend. Depuis que Marco est décédé, personne n’a daigné venir déposer au moins une gerbe de fleur sur sa tombe. Je n’ai vu personne alors que de son vivant, Marco mangeait avec eux, il jouait avec eux, ils partageaient des bons comme des mauvais moments en sélection avec eux. J’ignore si c’est de la méchanceté ou de la haine. Si c’est de cette façon que nous voulons bâtir le Cameroun, je dois vous avouer que ça me fait honte. (…) Vous savez, lorsque le feu président Kennedy des Etats Unis est décédé, on a finalement mis la main sur son assassin quinze ans plus tard. Quant à Marc Vivien Foé, nous savons de quoi il est mort. Je sais très bien pourquoi il est mort. Je le dis aujourd’hui à haute et intelligible voix. C’est pourquoi ils me fuient. Ils ne veulent pas que je les regarde dans les yeux de peur de leur dire toute la vérité.
Dites nous donc de quoi Marco est mort…
Vous savez, je suis un père et un père ne doit pas parler n’importe comment. Donc, j’ai l’obligation de me réserver.
Que sont devenus ses chantiers ?
Que voulez vous que je vous réponde ? Ils sont tous tombés en ruines. Vous le constatez de vous-même. Personne ne se fait du souci. Si ce n’était pas ma femme, mes petits fils, mes beaux frères et moi, cette tombe ne serait pas propre telle que vous la voyez là. Regardez-moi, regardez l’âge que j’ai pour m’occuper de pareilles tâches. Quand je contemple cet imposant complexe qu’il a commencé, je me rappelle de ce rêve qu’il nourrissait pour la jeunesse de son pays. C’est pour eux qu’il construisait ça. Il songeait à la formation de la jeunesse qui assurera la relève demain. Lui au moins l’a fait mais aujourd’hui, il est en ruines. Il arrivait parfois qu’on n’ait pas l’argent mais on mettait le cœur.
Les promesses du gouvernement et de certains de ses coéquipiers n’étaient donc que du vent ?
Je vous ai dit que rien n’a été fait. Toutefois, ce n’est pas la fin du monde. Vous savez que notre Etat ne fonctionne pas toujours comme nous le souhaitons. J’ai espoir qu’un de ces quatre matins, les pouvoirs publics vont réagir et prendre les choses en main. En attendant, nous avons finalement implanté un commissariat ici puisque avant des jeunes du quartier et même d’ailleurs multipliaient des coups de vol ici. Il y en avait même qui prenaient du chanvre indien au point d’élire domicile dans ce chantier en ruines. S’il n’y avait pas ce commissariat qui a été créé à ma demande pour protéger au moins le tombeau de mon fils, on n’aurait plus rien ici.
Il s’est dit beaucoup de choses au sujet de vos relations très tendues avec la veuve marie Louise Foé…
Je le sais. Moi aussi j’ai écouté toutes ces inepties mais je dois vous rappeler que je suis un papa. Il est donc inconcevable que je fasse quoi que ce soit pour nuire à ma belle fille que j’ai toujours considéré comme ma propre fille. Que ceux qui avancent du n’importe quoi à tout vent le sachent. Tout allait bien jusqu’au moment où un beau jour … pouf ! Je ne sais pas si ce sont des gens mal intentionnés qui l’ont conseillé ou qui que ce soit. C’est devenu invivable. On disait tout et n’importe quoi sur ma belle fille et moi. Il y a eu de la distance mais je suis resté un père, donc un sage. (…) Depuis que Marco est mort, les gens ont pris de l’argent par ci par là et se sont mis à créer la zizanie ; pensant qu’ils sont à l’abri. Mais je dois leur dire que l’argent n’achète pas le sommeil ; il n’achète pas la vie.
Entretien avec C.T.(Le Messager)