mercredi 22 juin 2011
Politologue, Directeur exécutif du Grepda (Groupe de recherches sur le parlementarisme et la démocratie en Afrique), il analyse l’actualité politique actuelle…
Au regard de la situation actuelle, avec l’après-2011, peut-on dire que le Cameroun entre en phase de transition politique tant au sein du régime en place que dans les états-majors des grands partis ?
C’est difficile de structurer et d’encadrer scientifiquement une telle perspective si tant est qu’il y a des chevauchements compliqués à démêler entre transition démocratique et transition politique, ou encore entre alternance politique et alternance démocratique. En effet, si l’on peut appréhender la transition démocratique comme un processus politique caractérisé par un passage progressif d’un régime de dictature à celui de démocratie, la transition politique telle qu’elle est théorisée actuellement se présente avant tout comme un modèle à l’aune duquel on peut porter un jugement sur le post-biyaïsme, voire sur le post-rdpcisme. Ce qui peut à l’évidence mobiliser les entrepreneurs politiques variés aussi bien au sein du régime en place que dans les états-majors des grands partis politiques, notamment dans la perspective d’être tous au rendez-vous d’une éventuelle recomposition politique. A vrai dire, l’utilisation de ce concept renvoie moins à une fonction explicative qu’à son caractère opératoire et fonctionnel à venir.
La longévité politique de Biya tant au Rdpc qu’à la tête de l’Etat est aujourd’hui sujette à caution. De manière objective, cette demande ne pourrait-elle pas s’appliquer aux autres chefs politiques qui sont là depuis des décennies et rechignent à passer la main ? Le non renouvellement du personnel politique tant au Rdpc, qu’au Sdf, l’Undp et à l’Udc est-il dû à l’absence de culture démocratique ?
C’est clair que la démocratie interne dans les partis politiques au Cameroun est en panne, à défaut d’être de façade. Elle est non seulement alimentée par un attachement maladif de la société camerounaise au conservatisme, mais elle est surtout tributaire d’une allergie manifestement développée des Camerounais face aux éventuelles ruptures. Si cette perspective peut s’illustrer à travers la longévité des autres chefs politiques présents depuis des décennies, la validité de ce constat concerne aussi les domaines comme le sport où les Camerounais ont eu du mal à accepter certains départs à la retraite comme ceux de Roger Milla, Thomas Nkono, Raymond Kalla Nkongho ou Rigobert Song.
Aujourd’hui où les leaders sont vieillissants, leur sort est-il lié au destin du président du Rdpc et chef de l’Etat ?
Le vieillissement d’un homme est avant tout un phénomène naturel. Il ne saurait être contagieux par extension politique. Mais si l’on considère que la vie politique camerounaise a souvent été structurée autour de la personne du président Paul Biya, il est évident de postuler que le système politique camerounais quant à lui s’est toujours nourri des inputs venant des acteurs précis et connus à l’instar de Ni John Fru Ndi, Adamou Ndam Njoya, Bello Bouba Maïgari, Augustin Frédérick Kodock, Dakolé Daïssala, etc. Pris dans ce sens, on peut craindre l’éventualité d’un effet d’entraînement suscité par une retraite de l’acteur principal de ce système, sinon complexe, du moins interdépendant. Surtout si l’on considère que la survie politique de toutes ces personnalités est à rechercher autour de l’existence même de Paul Biya...
Comment voyez-vous l’après-octobre 2011 dans les grands partis politiques précités ?
L’après-2011 va être très intéressant à suivre au Cameroun, dans la mesure où la longévité du président Paul Biya au pouvoir a fait glisser la problématique de la transition politique au Cameroun vers un conflit de génération politique. En effet, dans tous les états-majors des partis politiques, il y a comme un front commun de la jeune génération des cadets sociaux contre la gérontocratie. Mieux, la génération Internet sent plus que jamais son heure arrivée, dans une perspective traduisant en sourdine un vœu de rupture avec les archaïsmes qui ne correspondent plus aux évolutions des enjeux politiques actuels.
Entretien avec Frédéric Boungou