jeudi 1er avril 2010
Nombre d’amoureux de belles lettres, des mordus de la littérature, officiels, enseignants, critiques littéraires, étudiants et autres curieux n’oublieront pas de si tôt la journée du mercredi 31 mars 2010.
Ce beau monde était initialement convié à la cérémonie de dédicace de l’ouvrage de Thomas Théophile Nug Bissohong, intitulé L’hymne national du Cameroun : un poème-chant à décolonialiser et à réécrire, à l’amphithéâtre Joseph Tchuindjang Pouemi de l’Université de Douala. Finalement la dédicace s’est délocalisée en raison de la présence embarrassante du Cardinal Christian Tumi qui a effectué le déplacement du campus de l’ancienne école supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC). Des sources proches des responsables de cette institution universitaire, Thomas Théophile Nug Bissohong a commis un vice de forme sur le plan protocolaire. « Un enseignant ne peut pas inviter une personnalité de la trempe du Cardinal dans une cérémonie que l’Université organise. Cette charge incombe aux responsables de l’institution universitaire. » L’auteur, dans un langage dépouillé de toute diplomatie s’expliquera en ces termes : « à tort ou à raison, les autorités de l’Université ont estimé que je ne devais pas inviter des personnalités religieuses ou civiles d’un certain ordre à cette dédicace ».
En fait, l’ouvrage de Nug Bissong a eu l’honneur d’être financé par l’Université de Douala. A juste titre, la cérémonie de dédicace est placée sous le parrainage du recteur Bruno Bekolo Egbé, qui, empêché à la dernière heure, a mandaté le secrétaire général Remy Sylvestre Bouellet de le représenter. De même, selon le programme consigné dans les invitations, le doyen de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université de Douala devait officier comme modérateur. Tout comme un émissaire du ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, par ailleurs préfacier de l’opuscule, a effectué le déplacement du campus de Douala et au regard de la pirouette des autorités universitaires n’a plus cru bon à assister à la cérémonie de dédicace d’un ouvrage qui s’est finalement tenue, à la rescousse dans l’une des salles de réunion d’un hôtel de la place, sollicité à la va vite.
Problème de l’identité
« A priori, la présence du Cardinal Tumi est compréhensive, quand on sait que l’archevêque émérite de Douala est et, même au plus fort de sa retraite, reste un grand homme de culture et donc attaché à toute production intellectuelle » relativise un étudiant. Au bout du rouleau, la dédicace de L’hymne national du Cameroun : un poème-chant à décolonialiser et à réécrire a néanmoins drainé du beau monde à l’hôtel le Capitol, malgré l’absence remarquée du représentant du recteur, du doyen de la faculté des lettres, du préfacier pourtant effectivement annoncé dans la capitale économique du Cameroun.
Selon le Dr Yvette Balana, enseignante de linguistique et de littérature négro-africaine à la faculté des lettres et des sciences humaines, la plaquette de T. T. Nug Bissohong, à partir d’u symbole, pose le problème de l’identité au Cameroun dans un contexte de célébration du cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun. L’hymne national du Cameroun est donc « le soubassement théorique et pratique d’un travail qui permet de saisir l’intelligibilité du texte ». Par conséquent « il n’est pas décemment patriotique de reconnaître que notre hymne national satisfait les penchants du colonisateur », précise Dr Yvette Balana qui conclut que l’oeuvre de 104 pages est une « invite à le décolonialiser ». L’auteur entonnera un son de cloche identique, en faisant observer qu’actuellement au Cameroun, deux hymnes sont exécutés. Car la version anglaise de Ô Cameroun berceau de nos ancêtres, traduite du français à l’anglais, par Bernard Fonlon, a un contenu différent. Pour Nug Bissohong, « Bernard Fonlon a écrit un autre texte alors qu’on lui avait demandé de traduire. »
Dynamiques de réécriture
C’est pour cela qu’il propose qu’à partir d’une anthologie des hymnes des peuples du Cameroun qu’ « une synthèse soit retenue comme hymne national à condition que l’on s’approprie les canons de la littérature orale » dont l’hymne est une partie intégrante. En réalité, le travail de Nug Bissohong se situe dans les dynamiques de réécritures amorcées depuis 1928 par les élèves de la mission presbytérienne de Foulassi. C’est ainsi qu’au texte initial de René Afana, auteur des paroles de notre hymne adopté en 1957, les Upécistes avaient ajouté deux strophes avant les amendements effectués à l’époque au Parlement.
Au finish, l’opuscule de Nug Bissohong est d’une actualité brûlante quand on sait qu’en 2007, un arrêté du Premier ministre, à l’époque Ephraim Inoni, a créé un comité interministériel chargé de travailler sur la normalisation et l’harmonisation des symboles de l’Etat. Qu’est devenu ce comité ? Trêve d’analyse, place à l’action de décolonialisation !
Par Alain Njipou(le messager)