vendredi 4 février 2011
Avoir six de ses rejetons diplômés de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam), auxquels s’ajoutent un gendre-neveu et trois brus, en l’espace de 15 ans, il faut le faire, et le président de l’Assemblée nationale du Cameroun l’a fait. Qui dit mieux ?
Le Jour a levé le lièvre dans l’une de ses éditions de la semaine dernière. Ce n’est pas la performance des enfants Cavaye, de leurs conjoints et conjointes qui fait problème – elle est même admirable et devrait servir de fil d’Ariane à d’autres familles dont les enfants sont doués – mais leur prédilection pour l’Enam. Depuis que notre confrère a mis ce secret de Polichinelle dans la rue, ça va dans tous les sens dans les régions du Grand Nord et même ailleurs. Cavayé Yéguié et toute sa famille sont voués aux gémonies pour “ népotisme ”. On pourrait ajouter délit d’initié et abus de biens sociaux. D’aucuns ont vite fait de franchir le Rubicon dont les deux rives dans ce cas sont reliées par une passerelle qui n’est que la complicité entre M. Cavayé Yéguié alias Cavalier Yéyé, pour les mauvaises langues, et la direction générale de l’Enam. D’autres soutiennent par ailleurs que c’est pour cacher les faiblesses de certains de ses “ protégés ” que le Pan les case dans son cabinet à l’Assemblée nationale. Nous n’irons pas jusque-là. Pas question de douter de la valeur des enfants et proches du Pan.
Maintenant que ce débat fait rage, il appartient à la direction générale de l’Enam de sortir les notes de ces jeunes gens – celles à l’entrée et celles à la sortie – pour les laver de tout soupçon. La forte présence dans cette institution des enfants issus des “ grandes familles ” n’est pas nouvelle. Un autre confrère en a fait sa manchette il y a quelques mois sans que cela émeuve grand monde.
On peut bien être le fils ou la fille d’Untel, grande figure de l’Etat ou du monde des affaires et être soi-même brillant. A condition bien entendu que l’illustre géniteur inculque les valeurs du travail, de la persévérance, de l’endurance à son ou ses rejetons. Les Muna en sont des exemples atypiques, avec deux médecins et deux avocats de renom. Feu Daniel a légué à la postérité une des plus grandes cliniques de Douala. La réputation de Walinjom dépasse largement les frontières nationales. Les deux avocats : Bernard et Akéré ont tous les deux été bâtonniers. C’est dire que leurs confrères ont élu chacun d’eux à cette charge en raison de leurs qualités. La carrière internationale de Me. Akéré confirme davantage son envergure.
Les Muna se sont royalement éloignés des couloirs de la fonction publique que personne ne leur aurait fermé pour servir dans les cabinets privés de leur propre initiative. Ils ont assimilé la belle leçon que Ahmed Sékou Touré, alors président de la Guinée (Conakry) administra à tous ces “ petits d’esprit qui veulent que les mérites de leurs pères leur soient reconnus ”. Il faut encore que ces mérites soient réels.
Un modeste enseignant d’éducation physique sorti du Cenajes il y a des lustres peut très bien avoir la veine d’aligner de grands commis de l’Etat dans sa descendance. Dans le contexte camerounais d’aujourd’hui et dans le cas des Cavaye, cela mérite une enquête du Contrôle supérieur de l’Etat pour ôter le doute qui pèse actuellement non seulement sur le Pan et la direction générale de l’Enam, mais aussi et surtout sur certains diplômés de cette prestigieuse institution.
Le cas des Cavaye n’est pas isolé. Il crève les yeux et délie les langues parce qu’il paraît grossier pour ne pas dire plus. Il est évident que ce genre de népotisme est des plus courants au Cameroun. Si on n’accède pas d’office dans une institution camerounaise depuis quelques années en raison de la fonction ou de la position sociale du père, de la mère, d’un oncle ou d’un tuteur, on paie en numéraires. Les tarifs sont connus, les réseaux aussi. Seuls quelques chanceux issus des couches sociales sans envergure passent par les mailles des filets. Reste à savoir combien ils sont.
C’est ainsi qu’il faut comprendre le vent de révolte qui souffle à l’Extrême Nord du pays où les jeunes seraient prêts à faire comme en Tunisie et en Egypte – actualité oblige - pour décrier cette “ forfaiture ”. Reste encore à savoir si M. Cavaye Yéguié sera le mouton du sacrifice. On lui trouverait néanmoins des circonstances atténuantes. Pendant que d’autres personnalités du sérail entretiennent grassement leur progénitures à l’étranger où ils feraient d’hypothétiques études, de son fauteuil de Pan, il se débrouille pour placer ses enfants, neveu, brus et gendres sur place. C’est vraisemblablement plus nationaliste.
Dans son cas comme dans l’autre, ce sont des pratiques à condamner. Mais on fait comment ? Laissons Cavalier Yéyé ménager la monture pour les siens. Question de leur appliquer la loi de la génétique. Même si l’un d’eux ne le remplacera pas au perchoir. Paul Biya dont il a la confiance jusqu’à présent ne poussera pas le bouchon si loin. Pour le moment, ce qui est fait est fait. Les jaloux n’ont qu’à…
Par Jacques Doo Bell