Henriette Ekwè couronnée “ femme courage ”

La célébration des festivités du 8 mars a occulté un événement qui ne devait pas passer inaperçu. Notre compatriote Henriette Ekwè Ebongo, directeur de publication et rédacteur en chef de l’hebdomadaire “Bebela”, recevait le même jour à Washington le “ Prix du courage féminin ” décerné par le gouvernement des Etat-Unis. Tata Henriette, comme l’appellent respectueusement ses nombreux admirateurs, est une des figures emblématiques de la lutte pour la démocratie, l’émancipation de la femme, la liberté d’expression, la liberté tout court. C’est par ses prises de position, pour ces valeurs et ses actions publiques depuis 1990 qu’elle a été remarquée et que l’actuel chef de la mission diplomatique des Etats-Unis à Yaoundé a proposé son nom à ce prestigieux prix.

L’ambassadeur des Etat-Unis justifie d’ailleurs sa proposition : l’implication d’Henriette Ekwè “ dans le combat pour la liberté d’expression et la bonne gouvernance au Cameroun ”. Raisons pour lesquelles cette femme de conviction est aux premiers rangs de l’Union des journalistes du Cameroun (Ujc), du Syndicat national des journalistes du Cameroun (Snjc), de l’Upc, comme naguère de transparency International-Cameroun. Elle a connu la prison politique en 1990 dans la retentissante affaire Yondo Black qui aura été, à juste titre, l’un des déclencheurs du retour au multipartisme au Cameroun.

Parmi les lauréates du Courage féminin 2011, Henriette Ekwè est l’unique Africaine parmi une dizaine de femmes toutes issues des pays où les droits de l’homme, la liberté d’expression et la bonne gouvernance n’existent que dans les textes ou alors peu ou prou dans la pratique. Il faut saluer le courage de cette compatriote qui aurait pu faire une belle carrière administrative ou dans le secteur privé. Elle est la fille du père Anatole Ebongo, l’un des tout premiers directeurs camerounais des douanes. Celui-là même qui a remplacé le regretté Eitel Momo à la mort de ce dernier. Parlant de son engagement politique et médiatique, Henriette Ekwè a expliqué en novembre dernier, dans la première livraison de “ le pas féminin ”, magazine lancé par Hildegarde Lobé. “ J’ai été femme politique jusqu’en 1995. Puis je suis entrée dans la presse de manière légale. Mais en faisant de la politique, je faisais déjà la presse dans l’Upc. Je suis upéciste. Une fois qu’on l’est devenu, on le reste. Mais aujourd’hui je ne suis plus dans la politique ( …) Je suis une journaliste de conviction, comme il y en a plein dans d’autres médias. Il y a des journalistes qui sont des députés, des maires, et les autres. Il y en a qui sont des membres du parti au pouvoir et qui ne s’en cachent pas. Pourquoi quand il s’agit d’un journaliste qui milite pour un parti d’opposition on lui remet tout le temps cette casquette (…) C’est une liberté pour tout le monde d’avoir des libertés politiques (…) Mes combats sont la liberté, la démocratie, la transparence, la lutte contre la corruption, et surtout le développement. Si un jour je dois me présenter à l’élection présidentielle pour que les choses changent, je n’hésiterais pas. La casquette de journaliste n’empêche pas d’être engagé politiquement ”.

Dans le monde de la presse et dans les débats publics, Henriette Ekwè se distingue par ses prises de positions courageuses, ses analyses et ses éditoriaux pertinents. Depuis 1990, les multiples interpellations et incarcérations dont elle a fait l’objet n’arrivent ni à éteindre ni à atténuer son ardeur militante pour les valeurs qui lui ont valu le prestigieux prix qui vient de lui être attribué. Il a même fallu de peu pour que les ennemis de la liberté au Cameroun l’empêchent de se rendre à Washington. Et même là-bas, un loubard est allé chercher à forcer la porte de sa chambre d’hôtel tard dans la nuit (voir Le Messager n°3299 du 8 mars).

Pourquoi ne pas saluer le courage de cette femme, son engagement, sa fidélité à ses convictions ? Henriette Ekwè a sacrifié tous les avantages matériels que son brillant parcours académique lui aurait apportés. Elle qui compte parmi ses condisciples et compagnons de lutte les Ivoiriens Pascal Afi Nguessan et Laurent Gbagbo, le Sud Africain Thabo Mbéki, l’Angolais Edouardo Dos Santos pour ne citer que ceux-là. On dirait même que la modestie qui la caractérise fait sa force. Henriette Ekwè ne passe point inaperçue. La preuve ! Ainsi devrait-elle être un modèle pour les jeunes, notamment les filles à qui elle dit : “ ce n’est que dans un environnement démocratique que pourraient prospérer les droits de la femme ”. Hélas ! on n’est pas prophète chez soi.

Par DOOBELL(Le Messager)