mercredi 15 juin 2011
Le gouvernement gabonais a chassé de son territoire des milliers d’orpailleurs qui ont rallié le Cameroun par Djoum depuis le 02 juin 2011 dernier. Ces expulsions d’un pays voisin, de surcroit membre de la Cemac sont récurrentes depuis 30 ans. La guinée Equatoriale n’est pas en reste. Devenue eldorado, ce petit pays moins peuplé qu’un arrondissement de Douala n’a de cesse de refouler les Camerounais, parfois violemment et sans explications. Les Camerounais sont ils les mal-aimés de l’Afrique centrale ou feraient-ils peur à leurs voisins ?
Ils sont pourtant recherchés pour leur compétence, leur expertise, leur esprit d’entreprise. Ils sont partout en Afrique centrale : de Libreville à N’Djamena, de Malabo à Bangui. Enseignants, ingénieurs, médecins, techniciens, commerçants et parfois aussi bandits de grands chemins, les Camerounais sont incontournables, ce qui leur joue souvent des tours qui prennent des allures parfois dramatiques. Le Gabon et la Guinée Equatoriale sont les plus gros consommateurs de main d’œuvre camerounaise. Ce qui ne semble pas faire plaisir aux autorités de ces pays qui transforment régulièrement les Camerounais en bouc émissaires lorsque pointent les difficultés socio-économiques. Souvent aussi, les Camerounais sont victimes des tracasseries policières qui se soldent par de l’arnaque.
Quand cela les arrange, les agents de la Direction générale de la documentation et de l’immigration (Dgdi) du Gabon reprennent du service pour disent-il, des activités de routine de police administrative. Dans l’œil du cyclone, naturellement, des milliers d’immigrés sans papiers qui écument les rues de Libreville. Insidieusement, les flics gabonais filent, traquent, interpellent, incarcèrent et expulsent « les clandestins » sans ménagement. Plusieurs compatriotes se font prendre dans les lieux publics et dans des contrôles inopinés. Sans papiers ou non, ils sont malmenés, gardés à vue, embarqués dans les cars et reconduits à la frontière. Il n’est pas exclu qu’à quelques mois de la Can 2012, avec la participation ou non des Lions indomptables, cette oppression s’intensifie. Du coté de Malabo aussi, on pointe du doigt les Camerounais quand rien ne va plus que l’on accuse de tous les maux.
Vous avez dit intégration ?
La vérité est qu’il n’y a aucune volonté de faire de la zone Cemac, une terre d’intégration comme cela se passe en Afrique de l’Ouest par exemple. Même entre Etats voisins, il est question de méfiance. Les dirigeants de ces pays ne se fréquentent presque pas. Les structures de coopération mise en place sont inopérantes. Air Cémac, passeport Cémac, etc., sont autant d’éléphants blancs dont on attend toujours la matérialisation et leur impact dans l’intégration sous-régionale. Pour ce qui est du cas spécifique de la coopération bilatérale avec le Gabon par exemple, née le 23 mars 1968 à N’Gaoundéré, la Commission mixte Cameroun-Gabon avait été présentée comme le cadre institutionnel privilégié d’évaluation et de promotion des relations entre les deux pays. Son objectif était de maintenir, d’améliorer et de renforcer les liens fraternels, l’esprit d’entente et de coopération entre nos deux pays, et ceci dans tous les domaines d’intérêt commun. Elle devait se tenir tous les ans. Hélas la dernière réunion du genre s’était tenue à Libreville en 1997. La précédente session du comité de suivi des résolutions de la Grande commission mixte Cameroun-Gabon avait eu lieu en …1972. Il ya un an, la coopération entre le Gabon et le Cameroun a été relancé dans quatre directions principales : la coopération juridique, la coopération économique, commerciale et industrielle, la coopération culturelle, sociale, scientifique et technique, et finalement les questions de frontières et consulaires. Tout ceci est resté lettre morte à cause du peu d’empressement de nos partenaires de respecter quelques traités bilatéraux qui selon eux, profitent au seul Cameroun.
Quelques raisons peuvent être dégagées pour expliquer pourquoi le Cameroun fait peur à ses voisins : dans la sous région Afrique centrale, le Cameroun présente une puissance industrielle, agricole et commerciale qui impose du respect. Sur le plan académique, nous avons une ou deux longueurs d’avance. Sur le plan sportif et culturel, le Cameroun ressemble à un géant aux cotés des pays amis comme la Centrafrique , le Gabon, le Tchad et la Guinée Equatoriale.
Cette peur est-elle justifiée ? Entre la Belgique et la France , il n’y a pas match. L’un est un pays de service tandis que l’autre est une grande puissance au poids économique énorme. Mais les relations sont au beau fixe. Les voies de communication ont favorisé le brassage des populations et le commerce transfrontalier dans l’intérêt bien compris des deux pays, qui de surcroit partagent des valeurs culturelles, tout en gardant chacun son identité. C’est ce défi que doit gagner l’Afrique centrale, où la simple libre circulation de biens et de personnes demeure une gageure malgré les incantations des politiques pris dans l’étau de leurs égos respectifs au nom de la souveraineté de chaque Etat.
Par Edouard KINGUE(Le Messager)