vendredi 18 janvier 2013
C’était un regard, une plume. Décédé à 42 ans révolus, ce journaliste qui animait le service société du quotidien de la Rue des Ecoles, s’en est allé dans la nuit de mardi à mercredi 16 janvier 2013.
« Je suis effondrée. Le frère que j’aimais tant n’est plus. Il nous a quittés sans nous dire au revoir. C’est triste. Nous aurions souhaité le revoir. J’ai du mal à croire que je ne le reverrais plus ». La sœur aînée du collègue décédé est en larmes. Et raconte les derniers instants passés auprès du journaliste. « A la dernière minute, il se battait contre la mort. Il se tordait de douleur et criait à tue-tête. Personne ne pouvait envisager une fin aussi tragique. Il a rendu l’âme après avoir reçu la quatrième poche de sang. Les résultats des examens qui lui avaient été prescrits n’ont rien révélé », raconte-t-elle au reporter. Au domicile familial sis à Akwa, la famille porte le deuil. Le regard hagard, les proches qui ont accouru aussitôt après avoir reçu la nouvelle qui est tombée comme un couperet, n’en croient pas leurs oreilles. Affalés, certains scrutent désespérément le ciel, se demandant pourquoi et comment envisager désormais la vie sans « ce père qui aimait ses enfants et se plaisait à jouer avec eux ».
Albert Honoré Etamè était malade. De quoi souffrait-il ? Personne ne peut le dire. Interné à l’hôpital de district de Déido, vendredi 11 janvier 2013, il était sous soins intensifs. Quelques jours après alors que la situation semble se normaliser, « le combattant » manifeste l’envie de quitter l’hosto. Je me souviens encore de la dernière conversation que nous eûmes. « Dass, ironisait-il je suis guéri. Je ne veux plus rester alité. J’ai envie de travailler. Il faut que je sorte d’ici. Il paraît qu’il y a le concours de la Castel. Que ceux qui me doivent des bières les mettent au frigo. Je les boirais volontiers toutes après ma sortie » et moi de renchérir. « Calme-toi maudit, disais-je sourire en coin, tu es malade. Il faut d’abord que tu te soignes parce que la santé est primordiale. A peine la santé recouvrée, tu songes déjà aux bouteilles de bière ? » Les collègues et autres confrères gardent de lui le souvenir de quelqu’un qui avait le sourire même lorsque les choses semblaient ne pas aller dans le sens voulu. « Il était l’ami de tout le monde. Il amusait et agaçait en même temps. Nous nous ennuyons pendant son absence », pense sa collègue Valgadine Tonga broyée par l’émotion.
Ce fils Malimba qui avait du sang Sawa dans les veines et le cœur vers Edéa avait débuté sa carrière à Global foot, un quotidien sportif qui a vécu, ensuite au bihebdomadaire Aurore Plus. Jacques Doo Bell, le secrétaire général des rédactions de Le Messager, remarque ses articles et l’appelle au siège du journal. Promu reporter, féru des faits de société et tout ce qui touche à l’actualité. Hédoniste littéraire, ce journaliste, précis dans les détails, scrupuleux dans la formulation, soucieux de traduire le réel en des termes qui jamais ne l’abaissaient, avait fini par suivre sa pente secrète et se refusait de verser dans la fiction.
Avec bonheur et réussite, déployant un imaginaire inattendu. S’adonnant aux plaisirs d’écrire, la qualité de ses articles était un régal pour tout amateur de presse. Portraitiste précis, il a animé pendant trois ans le service société, jusqu’à son décès hier mercredi 16 janvier 2013. Journaliste et homme à tout faire, « le mouton noir » « zamzam » comme il se faisait appeler n’en finissait pas d’animer la galerie. Et l’on se délectait de ses formules « coluchiennes » qui fleurissaient ses conversations. Sa plume, par le plaisir qu’elle procurait au lecteur, illustrait le talent du journaliste. Il était un « grand styliste, à l’écriture ciselée, drôle avec des nuances désespérées », selon un confrère. Epris de littérature, mais aussi passionné de cinéma, de vins, « l’homme du vaudou » a contribué à « ce que le journal maintienne le cap ». Cruel destin. Adieu « le maudit » !
Par Blaise-Pascal Dassié(Le Messager)