vendredi 20 décembre 2013
La ministre des Arts et de la Culture (Minac) a adressé, le 13 décembre, une mise en demeure au nouveau président du conseil d’administration de la Socam.
Ama Tutu Muna, la Minac semble visiblement décidée à siffler la fin de la récréation à la Société camerounaise de l’art musical (Socam). L’autorité en charge des arts vient de pondre une mise en demeure et une demande d’explication sur la double nationalité dont est soupçonné Prince Ndedi Eyango, artiste musicien et président du conseil d’administration (Pca) de la Socam, nouvellement élu.
Les mêmes documents ont été transmis à Jean Calvin Aba’a Oyono, président de la Commission permanente de médiation et de contrôle (Cpmc). Le Pca est ainsi sommé de s’expliquer sur sa citoyenneté américaine incompatible, selon les textes de la Socam, avec la fonction qui est la sienne au sein de cette administration. Quant au professeur Jean Calvin Aba’a Oyono, il lui serait demandé de s’expliquer sur son rôle dans la validation d’une candidature fortement contestée, le non-respect des textes en vigueur et le déroulement de l’Assemblée générale.
Pour la petite histoire, l’artiste Ndedi Eyango, décide d’aller « se chercher » aux Etats-Unis, au cours des années 90. C’est pendant cet « exil » qu’il décide de contracter la nationalité américaine. Revenu au Cameroun, « Le Prince des montagnes » va décider de se lancer dans la gestion des affaires publiques, avec dans sa ligne de mire, la gérance du droit d’auteur. Seulement, tel un squelette oublié dans un placard, sa double nationalité va resurgir comme un handicap à sa fonction de Pca de la Socam. Des voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer cet état de fait. La société civile de l’art musical, créée dans un contexte difficile, avait-elle besoin d’une autre forfaiture aussi ridicule ?
M. Aba’a Oyono.
Alors que le professeur de droit des universités est nommé en janvier 2013 avec pour instruction de faire respecter le droit, le Pca sera étonnamment le premier à fouler les textes. Son souci premier consistera à avoir des interlocuteurs en mauvaise posture pour en tirer profit. L’organisation de l’Assemblée générale est au centre de profonde contestation. Parmi les nombreux griefs d’une majorité des artistes contre la Cpmc, l’on relève le problème de la double nationalité. Ces artistes, jaloux de la nationalité camerounaise, n’entendent pas voir à la tête de leur société, un étranger dont l’élection aurait par ailleurs fait l’objet de nombreux tripatouillages.
Les textes.
L’actuelle situation est née, semble-t-il, de l’incapacité du comité électoral mis en place par M. Aba’a Oyono, conformément à l’article 30 des statuts, de rendre des arbitrages dans le strict respect des textes et du code électoral de la structure. L’article 4 du même code électoral stipule que, ne peuvent faire partie du conseil d’administration, que les membres de nationalité camerounaise. L’article 36, quant à lui, précise qu’il est mis fin au mandat de toute personne élue en violation des statuts.
Fait curieux, le comité électoral lui-même a été mis en place en violation des dispositions de l’article 9 du code électoral qui lui, éclaire à suffisance, les conditions d’élection du président du comité électoral. On apprend à cet effet que ce dernier est désigné parmi ses membres, artistes, éditeurs ou producteurs. Chose étrange, M. Aba’a Oyono qui n’est ni artiste, encore moins éditeur ou producteur, s’auto-désigne président.
Les textes ayant de toute évidence été violés, le professeur décide de faire valider la candidature du citoyen américain Ndedi Eyango, sous le fallacieux prétexte que ce dernier aurait produit un certificat de nationalité délivré par une autorité compétente. Malgré les interpellations des artistes qui, le 25 octobre 2013, protestent contre cette imposture, non sans présenter les copies du passeport américain et de carte nationale d’identité de Ndedi Eyango, lesquels documents portent des dates de naissance différentes, prouvant ainsi le caractère frauduleux desdites pièces, conscient de son pouvoir sur ces derniers, le président de la Cpmc, président du comité électoral, décide contre la volonté des artistes de valider une candidature désavouée.
Plus grave encore, le jour de l’assemblée générale, le président de la Cpmc viole une fois encore l’article 28, qui donne obligation de faire élire un bureau composé d’un président et deux assesseurs. Le 02 novembre 2013, les artistes voient appliquer tout, sauf l’application des textes, le président autoproclamé du comité électoral ira même, jusqu’à imposer autour de 20 heures, le rajout d’environ 137 électeurs, prétextant que ces derniers sont des artistes venus du Grand-nord et dont les « noms avaient été omis dans la mise en forme de la liste du collège électoral », au mépris de l’article 11 du code électoral qui établit pourtant que la « liste doit être publiée au moins sept jours avant la date de l’assemblée générale ».
Tripatouillages. L’élection proprement dite s’est déroulée dans des conditions canalisées, avec devant et derrière, les urnes, des individus en charge d’orienter le vote moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes. Et, à la fin du dépouillement du vote, toujours par le seul et tout puissant président Aba’a Oyono, à l’occasion soudainement transformé en huissier, il refusera de confronter et vérifier les bulletins distribués aux différents scrutateurs. Plus grave, Aba’a Oyono ne se souviendra pas de la nécessité de faire signer le procès-verbal par les scrutateurs, le président de séance et les assesseurs.
Aba’a Oyono, toujours et encore lui, se retrouvera dans les tractations avec les 8 candidats afin d’obtenir leur ralliement à « l’Américain ». Les artistes, se sentant abusés, décident de défendre leurs intérêts et prennent la Socam, ce 25 novembre 2013, obligeant la Minac à démêler l’écheveau au plus vite. Une rencontre entre la Minac et les artistes sera organisée avec au final, une requête des artistes adressée à son Excellence l’ambassadeur des États-Unis au Cameroun qui, après enquêtes et contre enquêtes, confirmera la nationalité américaine de Ndedi Eyango.
Fort de cette preuve, la ministère des Arts et la Culture, soucieuse de prévenir les dérapages, tout en défendant la nationalité camerounaise et le respect des textes de la Socam, décidera d’y voir claire. Il faut relever que depuis la fin de l’assemblée générale tenue le 02 novembre dernier, le président de la Cpmc, n’a toujours pas rendu son rapport. Ama Tutu Muna, en adressant une mise en demeure au président de la Socam et une demande d’explication au président de la Cpmc, met ce dernier dos au mur. Et, apparemment l’opinion semble d’accord avec madame la ministre.
Par René Atangana (La Météo)