lundi 19 octobre 2009
’information fait l’effet d’une bombe, et, en réalité c’en est une. Un million Fcfa d’indemnité de session. C’est l’enveloppe que chaque grand conseiller de la Communauté urbaine de Douala (Cud) touche par session du conseil municipal.
Cette confidence, qui provient d’une source très introduite au sein dudit conseil, semble embarrasser la plupart des conseillers approchés par Le Messager dans le recoupement de cette information. Prudent, personne n’ose s’aventurer dans un commentaire à visage découvert. Gêné, chacun préfère éluder la question sans confirmer ni infirmer l’information. L’argent ne fait pas le bruit, dit-on, et la bouche qui mange ne parle pas. Le plus bavard indique simplement que les indemnités de session et autres avantages dont ils sont les bénéficiaires ont fait l’objet d’une délibération votée « il y a trois mois seulement, et je ne sais même pas à quoi cela équivaut. C’est le service financier de la Communauté qui calcule cela, en fonction du budget. »
Selon la loi n°2004-18 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes, l’article 66 alinéa 1 stipule que, « les fonctions de maire, d’adjoint, de conseiller municipal, (…) donnent droit à une indemnité de session (…) » Il faut cependant noter qu’il existe avant la loi de 2004 le décret présidentiel n° 81/148 du 13 avril 1981 fixant les indemnités et avantages alloués aux magistrats et conseillers municipaux. Ce décret, qui n’a jamais été abrogé, indique en son article 10 le montant des indemnités forfaitaires dites frais de session. Cette indemnité qui tient compte des recettes communales, est fixée à 45 000 Fcfa pour les communes dont les recettes du dernier compte administratif approuvé sont supérieures à 1000 000 000 Fcfa. L’article 3 du même décret précise que « les avantages en nature prévus au présent décret sont arrêtés à leur niveau maximum, le montant réel est déterminé par délibération du conseil municipal dûment approuvé par le ministre de l’administration territoriale après visa du ministre des Finances. Il peut être modifié dans les mêmes formes. » Ce que reprend l’alinéa 2 de l’article 66 de la loi de 2004 citée plus haut : « Le montant de l’indemnité visée est fixée par délibération du conseil municipal, approuvé par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales. » Et l’article 111 de la même loi indique que « La communauté urbaine fonctionne mutatis mutandis, suivant les règles applicables à la commune, telles que prévues par la présente loi d’orientation de la décentralisation. »
Opacité
Le grand conseiller (comme on appelle ici les conseillers qui siègent à la Communauté) qui évoque la délibération est dans son bon droit de penser que même si ses avantages sont faramineux, ils font l’objet d’une délibération. Ce faisant, il tente ainsi de faire admettre qu’une délibération peut être au-dessus d’une loi ou d’un décret. Car dans tous les cas, les frais de session ne doivent pas dépasser 45 000 Fcfa. Mais, en percevant un million Fcfa par session, les grands conseillers se font payer en fait… cinquante fois plus qu’il n’en faut. Quant à la délibération invoquée, des sources internes à la Communauté urbaine soutiennent qu’elle existe, mais, se ferment lorsque le reporter demande à la voir. « C’est classé secret, et aucun conseiller ne serait content que l’on dévoile ses indemnités. » Et pourquoi la cache t-on, quand la loi de 2004 en son article 40 indique que « le compte rendu de la séance est dans un délai de 8 jours affiché par extraits à l’hôtel de ville ou à la mairie » ? Pour quelles raisons, une collectivité territoriale décentralisée doit-elle cacher le montant des indemnités payées aux conseillers municipaux, qui sont, de part le mandat électif qu’ils détiennent, astreints à l’article 66 de la Constitution qui leur exige la déclaration de leurs biens ?
Par Roland Tsapi(lemessager)