samedi 1er octobre 2011
Allo ? Qui est à l’appareil ? Essaka ? Quel Essaka ? Le chef Deïdo ou l’ancien de l’église de Bonatéki ? Ah ! C’est Gugus ? Mais tu n’es pas mort ? Tu appelles d’où ? Du ciel ? Ok je comprends. Mais attends, c’est une blague ou quoi ? Le Cameroun est-il connecté au ciel ? Ecoute Gugus, tu es un ancien politicien, mais de là à me faire prendre des vessies pour des lanternes, je ne marche pas. Y a-t-il le nom Cameroun dans la carte du ciel ? Si c’était vrai, pourquoi le Cameroun ne change pas alors ?
Depuis que tu es parti, cela va de mal en pis, Gugus. Ndi fu Ndi a pris ta place de guignol. Kodock a été avalé par le serpent en plein jour. Bello Bouba s’est couché devant l’entrée d’Etoudi pour empêcher Pierre flambeau Ngayap de le perturber. Issa Tchiroma est devenu le muezzin du palais. Du haut de son minaret, c’est lui qui appelle les fidèles du renouveau aux cinq repas quotidiens.
Ah si on t’avait écouté ! et à la place de la démocratie intégrale, on a institué une démocratie apaisée.
Allo ? Tu dis qu’au Cameroun, tu as été le premier à être démocratisé ? Ça veut dire quoi ? En 1986, on t’a démocratisé dans les cellules de Mboppi ? On démocratise comment mon frère ? Avec le courant électrique et le balançoire ? Ah non, n’exagère pas Gugus. Ces choses sont d’une autre époque, lorsque les sbires d’Ahidjo te pourchassaient à Paris, Londres, Bruxelles ou Berlin.
Mais le père du renouveau est un homme cultivé, diplômé de hautes études d’Outre-Mer, où fut formée la fine fleur de ceux qui devaient remplacer les Blancs dans les colonies. Et même si le Blanc parti, les Nègres dansent sur les Nègres, notre président n’a jamais fait de mal à une mouche. La preuve, il ne supporte même pas de voir un match de football. La violence des tacles lui donne des palpitations…de cœur.
Allo ? Tu es toujours là Gugus ? Ok. Je comprends. Tu vivais à l’époque en exil quand tu as entendu l’appel du renouveau où l’on disait que nul ne pourra plus être inquiété pour ses opinions. Alors tu es rentré au Cameroun après plus de 30 ans, muni d’une lettre de la présidence te confirmant que tu es le bienvenue chez toi. Et alors ? C’est normal non ? Il y a quoi ? Il y a encore quoi ?
Allo ? Ce n’est pas vrai Gugus, tu mens comme tu respires. Est-ce que même au ciel on ment ? Le ciel est-il aussi l’enfer comme chez nous Gugus ?
Ne jure pas. Comment avec une lettre de recommandation de l’église de Dieu qui est à Berlin, une invitation du chef de l’Etat camerounais t’autorisant à rentrer au Cameroun, peux-tu me dire qu’à ta descente d’avion, tu as été accueilli par les envoyés spéciaux de Fochivé, qui t’ont conduit à la Bmm de Mboppi pour une séance de démocratisation de 7 jours ?
Vraiment Fochivé-là était un tortionnaire. Mais tu sais, dans les vieilles démocraties du monde, que ce soit en Israël avec le Mossad, aux Etats-Unis avec la Cia , au Cameroun avec Fochivé, les services de sécurité finissent toujours par devenir un Etat dans l’Etat. Nul doute que le président n’était pas informé de tes mésaventures.
Quoi ? Ils sont allés te jeter chez les fous après les cours accélérés de démocratisation ? Ils n’ont même pas respecté le document des psychiatres allemands qui attestaient que tu ne souffrais d’aucune maladie mentale ? Ne t’en fais pas Gugus. Il y a plus fou que toi dans la mouvance présidentielle qui bat campagne.
Maintenant que tu es devenu un esprit, oublie ces problèmes, Gustave. Parles moi plutôt de tes voisins. Avec qui es-tu là-bas ? As-tu vu Me Mbami ? Dis lui que les comptes du Sdf risquent d’être scellés s’il n’envoie aucune procuration. Entends-tu parler d’Eyoum à Ntoh ? Avec son talent, sûr qu’il va révolutionner la communication là bas. Dis moi, que fait Bibi Ngota actuellement ? Ecrit-il toujours ? Et Tom Yom’s ? Je sais que sa voix enchante le ciel, mais comme nous n’avons pas vos fréquences, il est difficile de capter quoi que ce soit.
Tu sais, ici chacun prend à son tour un billet aller pour l’au-delà. Mais comme personne ne revient nous dire comment ça se passe là-bas, nous nous contentons des supputations de toutes sortes.
Allo ? Tu demandes comment va le Cameroun ? Comme un point d’interrogation inscrit sur les tablettes du destin. Personne ne sait où nous en sommes et quelle est la prochaine étape. Pour l’heure, nous sommes en pleine campagne électorale. Et là, cher Gustave, tu nous manques…Les guignols que l’on voit défiler sur le petit écran n’ont ni ton faciès de bouledogue, ni ton talent d’amuseur public. Ce sont des amateurs qui promettent tout et rien et se font confidentiels au fur et à mesure qu’ils perçoivent l’argent destiné au financement de la campagne.
Tu te rends compte. 30 millions pour dire des fadaises à la télé ? Il ne suffit plus de jouer au tiercé ou de recourir aux machines à sous. Pour être millionnaire, rien de plus facile désormais. Devenez candidat à la présidentielle. L’Etat fait le reste…et puis, est ce qu’il y a une école pour devenir président ? Tous les vingt millions de Camerounais non recensés sont a priori présidentiables, donc millionnaires.
Allo ? Tu veux savoir les noms des candidats ?
Oh, il y en a de toutes les couleurs : des demandeurs d’emploi, des repris de justice, des anciens opposants, de nouveaux opposants, des hommes d’affaires, des joueurs de jambo etc. Bref, rien de nouveau sous le soleil. C’est à peu près comme à ton temps. C’est juste le montant du gombo qui a été revu à la hausse pour permettre à chacun d’être millionnaire, dans le cadre de la redistribution équitable des fruits de la croissance.
Allo ? S’il te plait, donnes moi ton numéro de téléphone. Attends que je note. « Jérémie 33-3 ? » Jérémie c’est l’indicatif ? Ok.
Alors dis moi, comment vas-tu là-bas au ciel ? J’imagine que le séjour des morts est plus reposant que ce plancher de vache où nous tangons tous les jours, même quand la météo semble bonne.
Quoi ? Tu n’es pas au séjour des morts ? Que tu es que où alors ? Au paradis ?
Dis moi, vous faites aussi des campagnes électorales là-bas ? Pour quel poste ? Ah bon ? Non ! Je ne suis pas moi dans ces choses célestes. Je reste terre à terre. Comme Fru Ndi qui après tant d’années de cha-cha-cha, revient ce coup ci- pour nous dire : « dans vos cœurs vous savez que j’ai raison ». Pour ça oui, il a raison d’avoir tort. Mais le plus beau slogan de campagne, c’est encore le président sortant qui l’a trouvé : Biya, la croix du peuple.
Eli, êli, lamma sabacthani...
Bon vendredi et à vendredi