mercredi 26 octobre 2011
Décédé officiellement très tôt le 24 octobre 2011 des suites de maladie à l’hôpital Général de Yaoundé, le désormais ex-secrétaire général de l’Upc laisse un chantier politique : l’unité de l’Âme immortelle du peuple camerounais.
A 78 ans, le dernier rêve politique majeur d’Augustin Frédéric Kodock Bayiha était de devenir président de la République du Cameroun. L’élection présidentielle du 9 octobre 2011 était alors pour lui une occasion saisissable. Alors qu’il est malade en Afrique du Sud, celui qui se considérait depuis toujours comme le secrétaire général de l’Union des populations du Cameroun (Upc), avait instruit ses proches collaborateurs au niveau du parti d’introduire son dossier de candidature à Elections Cameroon (Elecam). Mais Elecam avait invalidé sa candidature, au point de le forcer à introduire un recours au contentieux post électoral au niveau du Conseil constitutionnel. Là aussi, celui qui depuis 1992 avait choisi de collaborer avec l’ex-parti unique, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, né des cendres de son ancêtre l’Union nationale camerounaise (Unc), de feu Ahmadou Ahidjo, (considéré par les combattants nationalistes, comme « le tyran massacreur des militants upécistes »), a vu sa candidature être rejetée. Un échec de conquête du pouvoir qui a sonné comme un tocsin de fin de parcours politique et peut être de vie, pour Augustin Frédéric Kodock.
Énarque compétent
En fait, la vie terrestre d’Augustin Frédéric Kodock fait penser à la fois à celle d’un technocrate de haut niveau, doublé d’un politicien quelque peu opportuniste. Né le 1er mars 1933 à Mom, petit village de l’arrondissement de Makak dans le département de la Lékié, d’un père agriculteur, et d’une mère ménagère, Augustin Frédéric Kodock a fait ses études primaires respectivement dans les villages Nkong Ntap, Nkog Ngui, et Ilanga. Il poursuit son cycle secondaire à Nkongsamba, puis au lycée Général Leclerc à Yaoundé où il obtient un baccalauréat en philosophie. Il s’envole par la suite pour Poitiers en France, où il s’inscrit en 1ère année de droit de l’Université de cette ville. Mais c’est à Toulouse qu’il passe sa licence de droit et un diplôme d’études approfondies dans la même filière. En 1959, Augustin Frédéric Kodock est reçu dans la prestigieuse Ecole nationale d’administration (Ena) de Paris. Deux ans après, son diplôme d’Etudes supérieures en poche, il rentre au Cameroun, qui venait un an avant d’obtenir son indépendance politique. Mais c’est en 1965, qu’il soutien une thèse en sciences économiques avec mention très bien, sur le thème : « Problème du crédit dans le développement du Cameroun ». C’est alors que Augustin Kodock poursuit une carrière professionnelle débutée en 1961 dans l’administration publique dirigée par feu président Ahmadou Ahidjo. Il sera tour à tour, directeur adjoint des affaires économiques au ministère de l’Economie, puis directeur des relations économiques extérieures à Douala, poste qu’il occupe pendant six (06) mois. Revenu à Yaoundé, il occupe le poste de directeur de l’orientation économique après la réforme du ministère. Coordonnateur de la préparation du 1er plan quinquennal du Cameroun, peu après, il sera de 1963 à 1965, secrétaire d’Etat aux finances. Puis directeur du contentieux et des études à l’administration territoriale, avant d’être détaché par le Cameroun à la banque africaine de développement (Bad) où il va occuper divers postes dont le plus culminant est celui de vice-président. C’est ainsi qu’il participe à la signature des premiers emprunts sur les marchés Eurodollars de la Bad et de l’adhésion du Japon au Fonds africain de développement. Le retour d’Augustin Frédéric Kodock au Cameroun s’effectue au début des années 80. Il est alors nommé conseiller technique du ministre des Finances, avant d’être nommé en 1983, Président directeur général de la Camair. C’est sous lui que les avions baptisés « Le Noun » et « Le Nyong » ont été acquis par l’ex-compagnie nationale de transport aérien. Il reste Pdg de la Camair jusqu’en 1989.
A la conquête de l’Upc
Lorsqu’arrive l’année 1990, avec le retour au multipartisme, Augustin Frédéric Kodock se souvient alors qu’il fut autre fois militant de l’Union des populations du Cameroun dont feu le Prince Dika Akwa était en train de se battre pour obtenir la relégalisation. Une certaine légende affirme que c’est Moïn Gaspard, un des rescapés upécistes des fidèles, qui l’aurait amené à sa première réunion de l’Upc en voie de relégalisation au domicile du Prince Dika Akwa à Douala. Malgré son statut détestable de « collaborateur du régime néocolonial », celui que le camarade Félix Moumié avait exclu de « l’Âme immortelle du peuple camerounais » est accepté par tous, pour son expérience de technocrate. Il participe avec l’opposition aux « opérations villes mortes » pour réclamer la tenue au Cameroun d’une conférence nationale souveraine. Au premier congrès unitaire de l’Upc en décembre 1991, à Nkongsamba, alors que le parti vient d’être autorisé à fonctionner légalement, Augustin Frédéric Kodock est élu à l’unanimité des tendances (sauf celle de l’Upc-Manidem dit des fidèles), secrétaire général de l’Union des populations du Cameroun. Commence alors pour le natif de Mom les moments de grandes manœuvres pour le contrôle du parti. C’est lui qui conduit l’Upc aux élections législatives de mars 1992. Le parti nationaliste obtient 17 sièges. Mais en octobre 1992, alors que le parti a désigné un candidat en la personne du professeur Henri Hogbe Nlend pour l’élection présidentielle, Augustin Frédéric Kodock, alors président du groupe parlementaire de l’Upc, fait retirer le projet de loi de son parti qui demandait une élection présidentielle à deux tours. Il va d’ailleurs soutenir le candidat du Rdpc, Paul Biya, qui est proclamé vainqueur de manière fortement controversée, de l’élection présidentielle du 11 octobre 1992. Sa récompense sera d’être nommé ministre d’Etat chargé du Plan, avant de devenir ministre d’Etat chargé de l’Agriculture. Après une première sortie du gouvernement en 1997, il revient en 2002 comme ministre d’Etat chargé de l’Agriculture et ministre d’Etat, ministre de la Planification, de la programmation du développement et de l’aménagement du territoire.
Depuis lors, même après sa sortie du gouvernement en 2007, Augustin Frédéric Kodock qui aura été à tort ou à raison, l’un des grands obstacles pour l’unité de l’Upc, est resté un allié politique du Rdpc. Paix à son âme.
Par Jean François CHANNON(Le Messager)