vendredi 1er avril 2011
C’est à toi que je pense, ô peuple déraciné du matin couchant. C’est pour toi que j’aligne ces mots sur cette page de rencontre. Ô toi qui, ballotté par les jours sans pain, doute et doute encore. Voici pour toi, en partage, ce conte à ne jamais oublier, surtout dans les moments les plus sombres.
Un jour, l’âne d’un fermier tomba dans un puits.
L’animal gémissait, et le fermier se demandait quoi faire. Finalement, il décida que l’animal était trop vieux et que le puits devait disparaître de toute façon, et qu’il n’était donc pas rentable de récupérer l’âne.
Il invita tous ses voisins à venir et l’aider. Tous se saisissent d’une pelle et commencent à combler le puits, enterrant aussi d’un coup l’âne.
Au début, l’âne réalisa ce qui se produisait et se mit à crier. Puis, au bout de quelques secondes, à la stupéfaction de chacun, il se tut. Quelques pelletées plus tard, le fermier regarda finalement dans le fond du puits. Il fut très étonné de ce qu’il vit.
Après chaque pelletée de terre qui tombait sur lui, l’âne faisait quelque chose de stupéfiant. Il se secouait pour enlever la terre de son dos et montait dessus. Pendant que les voisins du fermier continuaient à jeter la terre sur l’animal, il se secouait et montait dessus...
Bientôt, à la grande surprise de chacun, l’âne sortit hors du puits et se mit à trotter !
Cette histoire m’a été aimablement envoyée par Emmanuel Toco, un compatriote en séjour professionnel à l’étranger.
Lecteur inconnu, c’est avec toi que je veux aujourd’hui partager ce conte : Paul Eric ; Lambo Pierre Roger ; et vous tous qui êtes dans l’angoisse d’un monde devenu sans repères.
Toi aussi, Titus, emmuré vivant qui scrute l’âme cosmique afin de déceler le cri d’alarme que pousse le matin au réveil.
La vie peut parfois essayer de nous engloutir de toutes sortes d’ordures. Le truc pour se sortir de ton trou est de te secouer pour avancer. Chacun de nos ennuis est une pierre qui permet de progresser. Nous pouvons ainsi sortir des puits les plus profonds en nous souvenant de cette histoire.
Ami inconnu avec qui je partage cette demi page chaque semaine, les hommes, tes congénères t’engloutiront dans toutes sortes d’ordures. Mais n’abandonne jamais. Secoues-toi et fonce ! Rappelles-toi les cinq règles simples pour être heureux : libères ton coeur de la haine. Libères ton esprit des inquiétudes. Vis simplement. Donnes plus. Attend moins…
A ne jamais oublier, surtout dans les moments les plus sombres.
Paul Barthélemy, mon ami, mon frère, ce conte est pour toi aussi. Je te vois perclu de rhumatismes à l’âge vénérable de 108 ans ; par la force des choses et le poids de l’âge, te voici dans le cycle du silence, assis sur ton fauteuil roulant. Sens-tu derrière toi le souffle de ton ami de toujours ?
Je le vois poussant ton fauteuil roulant à l’ombre feuillue des pistes forestières. Sans te retourner tu sais que c’est lui. Les vrais amis n’ont pas besoin de se tenir la main, car ils savent que la main de l’autre est toujours là.
Je sais que malgré toi, une larme perle sur ta joue. Je vois ton ami se pencher afin d’entendre ta voix devenue un murmure. Je t’entends lui expliquer les charmes vénéneux des ors et décors du palais. Tu lui parles de l’implacable solitude du pouvoir. Tu lui demandes pardon pour lui avoir infligé une croix si difficile à porter.
Te repends tu réellement, Paul Barthélemy, mon parent, mon frère ?
J’ai rêvé qu’au soir de ta vie, à 108 ans, tu as retrouvé ton ami qui aligne 96 ans. Les chiffres sont sacrés. Et tu le sais.
J’entends ton ami te parler des sortilèges de l’isolement et du silence au fond d’une loge. Il te dit comment il s’est senti abandonné par tous, surtout par toi dont il a attendu en vain un geste de clémence. Mais il te dit aussi merci de lui avoir imposé une si longue initiation dans le sous sol de la gendarmerie.
J’ai rêvé qu’au soir de ta vie, à 108 ans, tu as enfin retrouvé ton ami, loin des regards et des médisances. Débarrassés de toutes passions, vous irez, l’un poussant l’autre, à travers les pistes sylvestres, écoutant ensemble les chants d’oiseaux et la mélodie du vent berçant les palmiers géants.
La solitude du pouvoir et la solitude carcérale vous avaient tous les deux empêché d’apprécier ces petites choses de la nature, à travers lesquelles Dieu parle aux hommes. Mais vous voici de nouveau unis comme à vos débuts, chacun fort de son expérience sur le chemin parcouru séparément. L’un était au capitole, l’autre sur la roche tarpéienne.
– Paul, te diras Titus, j’ai aujourd’hui 96 ans. Je sors du noir. Mais l’essentiel c’est que nous nous sommes retrouvés, désormais débarrassés de nos ego, enfin nous-mêmes. Ayant compris certes sur le tard que tout est vanité.
– C’est vrai, Titus, lui répondras-tu. J’ai beaucoup réfléchi sur ta condition depuis que je t’ai infligé cette épreuve. J’étais prisonnier moi aussi. Prisonnier de mes fonctions et de mes courtisans. Je ne pouvais que faire semblant de t’oublier. Comment as-tu vécu cette expérience ?
– L’essentiel, Paul, c’est de m’avoir permis cette initiation. J’ai pu, dans le secret de mon sanctum, réveiller l’être spirituel qui est en nous potentiel. Cet apprentissage de l’isolement a pu me mener à l’illumination, c’est-à-dire à la fusion ultime et totale avec le cosmos et avec le principe premier.
Tu aurais dû être à ma place pour comprendre mon bonheur. J’ai vécu de façon totale et immédiate ce que nous sommes et ce qu’est le monde ; je suis passé d’une écoute extérieure à une écoute intérieure, cherchant cette vérité qui est en nous.
Certes, les premières années, j’ai mal vécu les insultes, les quolibets, les calomnies. Mais au fil des ans, surtout après la deuxième lettre publique que je t’ai adressée, j’ai compris que les dieux jettent les dés et ne demandent pas si nous avons envie de jouer. Alors j’ai retrouvé la paix, la paix profonde qu’un homme recherche inlassablement durant des années, mais que l’on trouve lorsqu’on est devenu un homme nouveau.
“ Paul, j’ai retrouvé l’amour avec cette dimension lumineuse qui habite chacun de nous ”.
– C’est bien Titus. Tu me pardonnes ?
– Non je te remercie plutôt.
– Veux-tu récupérer tes biens ?
– Lesquels ?
– Ceux qui ont été confisqués
– Mais que dis-tu, Paul. Ta justice ne m’a rien pris ! Mon bien a toujours été avec moi et demeure en moi. Le reste n’est que de la rouille. Mon bien c’est toi au bord de cette rivière qui coule comme une onde de bonté dans nos vies.
Et bientôt nous serons unis dans les lieux célestes.
Bon vendredi et à vendredi
Par Edking(Le Messager)