mardi 8 novembre 2011
Parler de savate en Afrique sans parler d’Ali Adji serait un crime de lèse majesté. Du haut de ses 45 ans, il est le président de la fédération camerounaise de savate (Fecasavate), président de la Confédération africaine et vice-président de la fédération internationale de la même discipline. Il est par ailleurs président de la commission économique de l’instance internationale de savate. Ce n’est donc pas sans raison qu’il a hérité du surnom de « président cumulard ». C’est peut-être aussi parce que le fils d’Adji Adam et de Nyanka Djidja s’est toujours présenté comme un sportif originel et par-dessus tout un patriote dans l’âme. En fait, Ali Adji a commencé le sport à un très jeune âge. Sa première passion fût le karaté qu’il pratique, mais pas à un haut niveau. Après avoir flirté avec cette discipline de combat pendant un bon moment, il décide d’arborer le kimono de la savate kick-boxing. Une camisole qui lui réussit plutôt bien puisque son dynamisme et son côté relationnel aidant, il finit par devenir une personnalité incontournable dans le domaine.
Après avoir été tour à tour président de la ligue provinciale du Littoral, premier vice-président national de la Fécasavate, l’homme obtient son agrément le 12 décembre 2008. Le précieux sésame lui permet d’organiser une assemblée générale élective, le 28 du même mois, aux fins de renouveler les organes dirigeants des fédérations. Son programme de vulgarisation et de redynamisation de la discipline séduit non seulement les membres de la fédé, mais également des partenaires étrangers avec qui il entretient jusqu’à ce jour de bons rapports. La preuve, Ali Adji, apprend-on, bénéficie du soutien du président de l’instance internationale de la discipline, le français Gilles Le Duigou. Dans l’entretien qui suit, Ali Adji présente le carnet de santé de la savate au Cameroun, les difficultés qu’il rencontre dans sa pratique quotidienne et le florilège de projets qu’il nourrit à l’endroit des amoureux de cette discipline.
C.T
« Stimuler l’amour de la savate auprès des jeunes camerounais »
Il s’agissait des finales régionales de savate. Etant donné que nous nous acheminons vers la fin de saison. La particularité de ce gala c’est qu’il a pu réunir beaucoup plus de tireurs que les compétitions antécédentes. Les régions comme l’Ouest qu’on attendait le moins, au regard des performances antérieures, ont réussi à se démarquer cette fois ; au point même de surclasser les régions qu’on donnait pourtant favoris. Bref ça été une belle fête sportive, et je pense que c’est une preuve palpable que notre fédération vit et que la discipline gagne du terrain.
Vous savez, ce n’est pas la volonté d’organiser des finales dans ces villes dont vous venez de faire mention qui manque. Nous rêvons d’aller à l’extrême-Nord, au Nord-Ouest… Mais c’est juste qu’il se pose un problème d’infrastructures dont nous ne pouvons malheureusement pas encore pallier. Au Cameroun, il n’y a que Douala et Yaoundé qui possèdent des rings fixes. Pour une fédération comme la nôtre qui n’a que trois ans d’existence, il nous est pratiquement impossible de nous offrir un tel matériel, encore moins les moyens pour faire le voyage. C’est très onéreux et sur le point de vue économique, nos caisses sont encore vides. Bref, nous en sommes présentement incapables. Et je pense que nos tireurs comprennent bien la situation et ne nous tiennent pas trop rigueur. Par contre, nous essayons depuis notre création, de développer et de vulgariser cette discipline à travers le pays. Pour ce faire, nous faisons le déplacement dans plusieurs régions où nous installons un tatami au sol afin que les jeunes puissent livrer des matchs d’exhibition. Nous espérons qu’avec le temps, nous pourrons passer aux matchs de compétitions proprement dit puisque cette envie que nous stimulons chez les jeunes porte déjà des fruits.
Un peu plus qu’on peut le penser. Parce que voyez-vous, en trois années, nous avons fait beaucoup de choses. Des stages de formation d’encadreurs, de formateurs et de nouveaux tireurs se sont associés à la discipline, des rencontres internationales… L’année dernière précisément lors du championnat du monde de savate assaut à Paris, le Cameroun qui y prenait part s’est quand même classé 13ème nation sur 76. C’est encourageant. Au Cameroun, nous avons eu des grands stages et des rencontres France-Cameroun. A l’occasion, des experts triés parmi les meilleurs du monde sont arrivés et ont donné un coup de pouce au processus de développement et de vulgarisation de ce sport. Tout ceci ne peut que stimuler les jeunes à s’intéresser davantage à la discipline. Vous savez, nous avons un panel un peu plus ouvert en savate. Nous avons la « savate assaut » qui est une savate au toucher, juste le contact technique. Il est plus gestuel, pas de k.o ; donc plus beau à voir. Nous avons la savate combat, hors combat, la savate professionnelle et la savate forme qui intéresse le plus grand nombre ; tout âge confondu. Cette pluralité de genre permet à tout le monde de s’intéresser à sa pratique plus librement. En plus, la savate est un sport de plaisir et surtout un sport éducatif qui mérite d’être soutenu parce qu’avec toutes les dérives que notre société connaît aujourd’hui, la pratique de la savate sonne comme une thérapie. Plus intéressant, c’est un sport universitaire. Vous n’avez qu’à voir comment sont vêtus les tireurs. C’est un intégral composé d’un survêtement et d’un tee-shirt en haut. Les parties sensibles du corps sont protégés. Cet accoutrement impose le respect de son vis-à vis. C’est dire qu’au-delà du volet stimulant, il y a toute une philosophie que nous prônons. Voir qu’aujourd’hui, des enfants de 10, 12 et 14 ans s’intéressent à la savate, ne peut que faire chaud au cœur. C’est une évolution positive.
Ils se trompent sur toute la ligne. Ecoutez, si c’était le cas, le premier sportif qu’est le chef de l’Etat ne nous aurait pas donné l’opportunité d’organiser un championnat d’Afrique de savate. Pour la gouverne de vos lecteurs, je vais rappeler que la savate est membre des sports à corps, membre en démos à la Francophonie. C’est en plus un sport universitaire. Si on accepte une discipline aujourd’hui à l’université, c’est que c’est une discipline de poids. Vous ne pouvez pas penser aujourd’hui qu’un sport qui intègre le savoir est un sport mineur. Je dis non. Vous n’êtes pas sans savoir que la politique pratiquée aujourd’hui par le ministère de Sports et de l’Education physique n’est pas une politique marginale. Bien au contraire, elle consiste à mettre au même pied d’égalité tous les sports, afin que tout le monde puisse y adhérer. De toutes les façons, je ne pourrais pas considérer la savate au Cameroun comme un sport mineure. Je crois que c’est plutôt un sport en plein épanouissement et dont le développement s’annonce sous de meilleurs auspices.
(Rires) Je vais déjà vous dire que la Fécasavate n’a aucun financement, aucun sponsoring. Et vous savez que quand il n’y a pas d’argent, il y a moins de problèmes. Tout ce que nous faisons, c’est le fruit de nos contributions personnelles et parfois de celles de la société que je dirige. Donc, vous comprenez que quand il n’y a pas d’argent, personne ne se plaint. Personne ne viendra vous dire un jour qu’il a versé un chèque de tel montant à la fédération. Cette année, nous avons reçu comme toutes les autres fédérations 2.000 000 Fcfa du ministère des Sports. Montant que nous avons viré dans notre compte. A ce jour, nous avons un budget de dépense qui s’élève à 12 000 000 Fcfa. Lorsque vous faites le ratio, vous tirez les conclusions. Ceux qui gèrent et soutiennent la savate au Cameroun et même à l’international aujourd’hui font du bénévolat. C’est pour l’amour du sport qu’ils le font. La philosophie de notre discipline repose sur le fair-play, l’équilibre moral et le savoir. L’argent arrive après.
C’est comme si vous avez lu dans mes pensées, puisque nous sommes actuellement sur la finalisation d’une convention de partenariat entre la Fédération internationale, la confédération africaine, la fédération camerounaise et la fédération française de savate. Puis suivront les fédérations anglaise, italienne et russe qui viendront détecter les meilleurs tireurs camerounais qui auront l’occasion de se frotter aux réalités de ces fédérations sœurs. Ces dernières qui vont se charger de leur transport et de leur suivi, vont leur trouver des clubs dans leurs pays respectifs et ainsi ils pourront compétir en nationale pour le compte de leur club et à l’international pour le compte du Cameroun. C’est déjà un élément de motivation pour ces jeunes. Au-delà de ce volet détection de talents, nous ambitionnons de former ici sur place nos jeunes tireurs pour qu’ils soient plus tard des futurs formateurs, encadreurs ou juges officiels. C’est une politique qui porte déjà des fruits, puisque nous avons plusieurs jeunes qui sont aujourd’hui de grands juges internationaux, à l’instar de Patrick Goda, Bekono, Bikoé…
D’abord, les éliminatoires d’évaluation pour le stage bloqué prévu le 7 novembre 2011 à Yaoundé. Il va durer presque un mois. Ceci en vue de mieux préparer le championnat d’Afrique en mi-décembre. L’année prochaine, nous allons préparer le championnat du monde de combat et d’Assaut en Europe. Puis le championnat du monde de combat à Saint Petersburg en Russie en 2013. L’Afrique aura à cette compétition cinq tireurs. Nous espérons que le Cameroun en aura au moins un sélectionné et pourquoi pas les cinq. C’est vous dire que nous avons un échéancier assez élargi.
Sous un soleil radieux. Il suffit juste que les pouvoirs publics contribuent à sa vulgarisation. Le travail sur le terrain est déjà prometteur et je pense qu’il n’y a pas de raison qu’on ne l’encourage pas. Nous avons à ce jour de très bons tireurs qui ne demandent qu’à être soutenus pour faire briller le vert-rouge-jaune au-delà de nos frontières. Je profite de l’occasion pour remercier le ministre des Sports qui nous a déjà accordé le Palais des sports pour l’organisation des championnats d’Afrique de savate et qui a également promis de payer des billets d’avion à tous ceux de nos compétiteurs qui iront défendre les couleurs du pays à l’international.
Christian TCHAPMI (Le Messager)