dimanche 9 mai 2010
La radio publique France Inter a été condamnée hier, jeudi 6 mai 2010 par le tribunal de Paris pour avoir diffamé le groupe Bolloré après avoir diffusé un reportage intitulé « Cameroun, l’empire noir de Vincent Bolloré », dénonçant l’attitude négrière et esclavagiste du conglomérat dans ce pays.
L’ancien directeur de publication de France Inter, Jean-Paul Cluzel et le journaliste Benoît Collombat, auteur du reportage, ont été condamnés chacun à 1.000 euros d’amende. Ils devront en outre verser solidairement à Bolloré un euro de dommages et intérêts et 10.000 euros de frais de justice. France Inter devra en outre diffuser un communiqué à l’antenne, faisant état de sa condamnation, dans un délai d’un mois. Le reportage incriminé avait été diffusé le 29 mars 2009 dans l’émission Interception présentée par Lionel Thompson. Benoît Collombat y interviewait de nombreux acteurs de la scène publique camerounaise, à l’instar de Pius Njawé, directeur de publication du quotidien Le Messager. Tous ou presque épinglaient les pratiques de Bolloré au Cameroun, où le Groupe industriel éponyme au patronyme familial Bolloré contrôle en grande partie des secteurs d’activités tels que le Port autonome de Douala, les Chemins de fer et des plantations de palmiers.
Choqué par ce reportage qualifié de diffamatoire et outrageant, le Groupe Bolloré à porté l’affaire en justice. Les 45 minutes du reportage étaient entièrement attaquées. Après plusieurs audiences au cours desquelles, des témoins de la trempe de Pius Njawé ont lors de leur déposition fait les accusations incendiaires au point d’en faire de procès une affaire personnelle, avant de se rétracter depuis quelques semaines en offrant les colonnes de son quotidien à la propagande de la gestion du Groupe Bolloré qu’il prétendait décrier dans ce reportage incriminé de France Inter. Des témoignages qui n’ont pas prospéré. Hier jeudi, 06 mai 2010, la 17e chambre a considéré que sur les six passages incriminés, quatre étaient effectivement diffamatoires. Sur ces quatre passages, elle a jugé que la plupart manquaient de "sérieux" ou de "prudence". A ce titre, elle a, à plusieurs reprises, refusé d’octroyer à France Inter le bénéfice de la bonne foi.
Pour le tribunal, l’introduction de Lionel Thompson n’était pas diffamatoire, pas plus que le dernier passage évoquant les liens entre le Groupe Bolloré et le pouvoir camerounais. Certes, l’analyse proposée par Benoît Collombat dans ce dernier passage est critique, sinon polémique, mais il s’agit d’éléments s’intégrant dans « un libre débat d’opinion », a jugé le tribunal. En revanche, la 17e chambre, présidée par Anne-Marie Sauteraud, a considéré que le journaliste avait « manqué aux exigences de l’enquête sérieuse », en imputant à Bolloré « de ne pas avoir respecté les engagements financiers pris par Camrail lors de l’obtention de la concession en 1999 » et « de négliger gravement les investissements relatifs au transport de passagers ». Il en va de même pour le passage affirmant que le conglomérat français utilisait « abusivement » le personnel du port autonome de Douala.
Le tribunal a également déploré le ton « lapidaire et péremptoire, », utilisé par France Inter quand elle impute à Bolloré de « recourir à des tentatives d’intimidation des salariés du port autonome de Douala et de ne pas respecter le droit du travail ». En revanche, les juges ont accordé le bénéfice de la bonne foi au journaliste lorsqu’il mettait en cause « la sécurité minimale » des coupeurs de palme de la Socapalm et « leurs conditions de vie indignes », ou évoquait le manque de couverture sociale des salariés du port de Douala.
Au sortir de cette audience, France Inter ignorait si elle allait faire appel. L’avocat de Bolloré, Me Olivier Baratelli, se réjouissait lui de ce que le tribunal ait « donné une leçon de journalisme à certains journalistes ».
Source : Aurore Plus