mercredi 26 octobre 2011
A 79 ans, il s’est éteint ce 21 octobre à Garoua. Evocation de la vie et du parcours d’un grand commis de l’Etat, figure exceptionnelle issue de la première République.
La ville de Garoua porte encore le deuil. La peine et la consternation sont perceptibles sur le visage des populations qui vaquent timidement à leurs occupations quotidiennes. Au quartier Marouare où se trouve la résidence du défunt ambassadeur itinérant, ils viennent de partout afin de présenter leurs condoléances à la famille de l’illustre disparu. Le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, Marafa Hamidou Yaya, s’y est rendu dimanche dernier. Avant le Minadt, d’autres autorités administratives locales ont assisté à la cérémonie d’inhumation qui a eu lieu dans la matinée du samedi 22 octobre. Le Messager a vu notamment le gouverneur Gambo Haman du Nord et le préfet Zang III de la Benoué.
Les circonstances du décès sont pour le moins énigmatiques. Le patriarche, selon des indiscrétions proches de sa famille, aurait été fauché à la suite d’un malaise dans la soirée du vendredi 21 octobre. Le mal se serait déclenché vers 19h, peu avant la proclamation définitive des résultats du scrutin présidentiel retransmis en direct sur la télévision nationale. La même source révèle que le « vieux avait déjà rendu l’âme lorsque les secours sont arrivés ».
« Une bibliothèque a brûlé »
Mme Tchandi Aissatou (en service à la station régionale Crtv Nord) dont le mariage a été célébré jadis par Abdoulaye Maïkano, « garde de lui le souvenir d’un patriarche qui procurait toujours de bons conseils et qui connaissait tout de l’histoire du Cameroun sous les régime Ahidjo et Biya. Il était capable de vous raconter tout ce qui s’est passé dans le temps et avec les moindres détails et il le faisait avec fierté ». Et d’ajouter, « il était à la fois l’ami personnel du feu président Ahidjo et celui de l’actuel président Paul Biya. C’est une grande bibliothèque qui vient de se brûler ». « Bibliothèque », Abdoulaye Maïkano en était surtout pour le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). Les pontes locaux du parti de la flamme le consultait en temps de besoin pour divers conseils. La dernière sortie publique du « vieux sage » remonte à mai 2011, à l’époque de la campagne d’intensification des inscriptions sur les listes électorales.
Parcours exceptionnel
La vie et le parcours de Maïkano Abdoulaye transcende le régime du feu président Ahidjo. Il naquit vers 1932 dans la localité de Gaschiga situé dans l’arrondissement de Demsa. C’est dans ce village qu’il marque ses premiers pas dans l’éducation primaire. Etudes que l’élève réputé « érudit » va poursuivre à Garoua. Après l’obtention de son baccalauréat assorti d’une bourse, Maïkano Abdoulaye s’envole pour la France. Il est admis en 1958 à l’Ecole nationale vétérinaire de Toulouse d’où il ressort cinq (5) ans plus tard nanti de son diplôme et auréolé du titre de « major de la promotion 1958 ».
Le patriote décide de rentrer au bercail malgré les multiples sollicitions dans l’occident. Il est affecté d’emblée à Maroua en qualité d’adjoint au chef du secteur d’élevage du Nord jusqu’en 1966. De là Abdoulaye Maïkano est nommé directeur de l’élevage au secrétariat d’Etat à l’Elevage. Il entre au gouvernement de feu Ahmadou Ahidjo peu avant la Réunification du Cameroun. Tour à tour comme ministre de la Fonction publique fédérale en 1970 ; ministre du Plan et de l’aménagement du Territoire en 1973 ; ministère de l’Elevage, des pêches et des industries animales ; ministère de la Fonction publique. Entre 1980 et 1982, Abdoulaye Maïkano a occupé les postes de ministre des Forces armées et ministre d’Etat chargé des Forces armées.
Black out
Le vestige d’Ahidjo fait son comeback sous l’ère Biya. Nous sommes en 1985 lors qu’il est nommé directeur général du Laboratoire national vétérinaire (Lanavet). Poste qu’il occupe jusqu’en 1966, année de sa retraite. Malgré son refus, il est rappelé (au forceps) aux affaires par Paul Biya ; en qualité de délégué du gouvernement près de la Commune urbaine à régime spécial de Garoua. Il supplie Paul Biya de lui accorder son droit à la retraite en 2009. D’où le décret présidentiel le nommant ambassadeur itinérant. Depuis Abdoulaye Maïkano, sous le poids de l’âge, trainait difficilement sa carcasse entre Gaschiga et Garoua. Jusqu’à sa mort subite survenue le soir même de la réélection de Biya.
Par Salomon KANKILI(Le Messager)